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Millénium, est-il encore nécessaire de présenter le phénomène ? Un succès éditorial hors normes (50 millions d’exemplaires vendus dans le monde entier), deux films aux factures et aux ambitions très différentes, une histoire et des personnages entrés dans la mémoire collective : Mikael Blomkvist, le journaliste intègre et Lisbeth Salander, la « geek girl »… La trilogie culte est désormais adaptée en bande dessinée par Sylvain Runberg et Josep Homs chez Dupuis.
Entretien & critique. Sylvain Runberg partage son temps entre la Suède et la France depuis une dizaine d’années, il a lu les livres lors de leur parution et a eu immédiatement l’envie d’en faire une adaptation en bande dessinée. Le scénariste a donc proposé le projet à l’éditeur Dupuis (il y a quatre ans !) et pour des questions de droits, celui-ci est resté en attente jusqu’en 2011. Il y a deux ans, après de longues négociations menées par l’éditeur, Dupuis a rappelé le scénariste pour lui proposer de travailler enfin sur cette adaptation : entretemps, j’avais vu les versions cinématographiques et celles-ci ne correspondaient pas à ce que j’avais en tête, à ma perception de l’univers de Stieg Larsson, aux représentations de Stockholm… je me suis lancé dans l’écriture et, vivant à Stockholm, je voulais restituer ce que je connais de la ville, sa lumière, ses couleurs, sa nature. Ce dont le film de Fincher ne rend pas compte et est au contraire très sombre.

Sylvain Runberg a donc fait le choix de prendre le contrepied de ce qui avait été déjà mis en scène : pour ce qui est des milieux underground dans lesquels évolue Lisbeth Salander, c’est la même chose. C’est une partie qui est peu évoquée dans les films et quelque chose que je voulais développer. En fait, les adaptations au cinéma ne m’ont pas beaucoup gêné car ce que je voulais, c’était de faire quelque chose d’original pour qu’à la fois les gens qui n’ont pas lu les livres ou vu les films et ceux qui connaissent déjà l’univers puissent s’y retrouver. Et découvrir des éléments nouveaux en offrant une perspective différente tout en respectant l’œuvre originale.
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Millénium n’est donc pas qu’un coup éditorial, mais une aventure qui a trouvé son origine dans l’inspiration d’un auteur. Sylvain Runberg a planché pendant plusieurs mois pour composer cette nouvelle version. Parce qu’il s’agit d’une réécriture plus que d’une simple transposition. Si le livre n’est pas loin, c’est parce que le dessinateur et le scénariste ont travaillé ensemble pour donner au livre ce rendu semi-réaliste qui sert parfaitement le récit. Formé aux comics, Homs a utilisé une palette de couleurs et d’expressions très large qui lui a permis de séquencer l’album selon qu’il s’agissait de scènes de flashbacks, du récit principal ou des digressions sur chacun des personnages. S’il fallait chercher des références, on pourrait évoquer Harvey Kurtzman ou Will Elder. Le dessinateur concède d'ailleurs qu’il essaie de travailler de manière réaliste, tout en exagérant parfois certains traits : je traite toujours les bandes dessinées indépendamment les unes des autres, ce que j’ai fait pour le marché américain n’a rien à voir avec le marché européen. Ce ne sont pas les mêmes exigences. Ce qui marche aux USA ne fonctionne pas forcément ici où les BD sont plus réfléchies. Pour moi, ça a été un grand plaisir de faire ces albums (le 2nd tome est d’ores et déjà en cours de réalisation, NDLR). Et le travail de Homs sur Millénium est proprement somptueux : qu’il s’agisse des cadrages, de la lumière, de la couleur et des personnages (avec une mention particulière pour les corps et les regards), le dessinateur s’est mis au service de l’histoire pour restituer scène après scène la narration complexe mise en place par le scénariste.

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Car c'est l’autre attrait de cette adaptation : la réappropriation et la reconstruction de l’histoire originelle. Sylvain Runberg a remis au centre de l’histoire ce qui avait été passé sous silence dans les adaptations cinématographiques. On redécouvrira donc l'importance des lieux (la ville et son architecture, sa verdure, les endroits interlopes, la campagne crépusculaire), les us et les coutumes (le tutoiement de rigueur quel que soit le niveau social), la violence traitée sans volonté esthétisante en préférant la suggestion, le suspense à la brutalité crue.
Un scénario au cordeau, un dessin semi-réaliste qui emporte... Un traitement graphique et scénaristique minutieux sont les principaux atouts de cet tome 1, sur les six que comptera la série pour embrasser l’œuvre de Stieg Larsson. Une réussite.

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- Millénium, Tome 1,de Runberg et Homs d'après la trilogie de Stieg Larsson, 64 pages couleur, Dupuis, 14,50€
Les premières planches :

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