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Une zone blanche est « une zone qui n'est pas desservie par un réseau de communications, un réseau de téléphonie mobile, Internet », une bulle où nulle onde électromagnétique ne vient irradier jusqu’à la douleur les personnes atteintes d’électro-hypersensibilité. Le syndrome est scientifiquement reconnu, Jean-Claude Denis en a fait le point de départ, le moteur de son récit.
La zone blanche de Jean-Claude Denis est un décor, un théâtre, un espace et un temps rêvés, où la technologie ne vient pas martyriser un quadragénaire parisien apparemment sans histoire. Héros d’un drôle de double drame. Très ironiquement, il va voir sa vie basculer un soir de blackout. Dans le quartier où il vit depuis des années, une panne de courant totale va venir perturber le cours difficile de sa vie.
Pour le lecteur, tout commence par la fin, par la mort de Serge Guérin, une mort mystérieuse, sans arme du crime, sans suspect, sans mobile. Son corps est découvert en forêt quelques instants après sa mort par un couple d’amoureux. L’enquête policière commence. Pour Jean-Claude Denis, cette investigation a été un challenge. S’il avait une idée claire de la construction de l’album, l’auteur de Zone blanche avoue avoir avancé parfois à tâtons, un peu à la manière de ses enquêteurs qui collectent des indices au fur et à mesure. Jouant sur les focalisations, Jean-Claude Denis a pris un plaisir certain à enchâsser plusieurs récits se déroulant dans des temporalités différentes, brouillant les pistes. Il en ressort un album à la perspective narrative changeante, adoptant tour à tour le point de la victime, des policiers, des témoins de passage.
Serge souffre donc à cause technologie, et l’auteur avec lui, car si Jean-Claude Denis a toujours été attiré par le progrès, il a aussitôt compris qu’il peut être d’une « perversité monstrueuse, non que l’on se retrouve victime de la technologie elle-même, mais de ceux qui la vendent, les grands groupes qui fournissent les outils dont on ne peut plus se passer ».
Pour autant, Zone blanche n’est pas un album militant. Pour Jean-Claude Denis, la bande dessinée est un art majeur qui « permet d’établir des ponts avec la société ». En tant que prochain président du Festival International de la bande dessinée d’Angoulême, l’auteur souhaiterait même aller plus loin : en mixant, en mélangeant différentes formes d’art. Par ailleurs musicien (il pratique la guitare avec Dupuy et Berberian, ou au sein du groupe Les Hommes du Président – ex-Dennis' Twist avec entre autres Philippe Poirier, Dodo, Denis Sire, Philippe Vuillemin et Frank Margerin), il aimerait pouvoir organiser des sessions musicales au cours du festival. Car la musique est importante pour le lauréat du Grand Prix 2012, il compare d’ailleurs l’écriture en général (et Zone blanche en particulier) à une partition : « c’est le même moteur, les mêmes choses qui s’enchaînent. La musique, la bd, tout part des mêmes envies pour animer l’ensemble ».
Zone blanche est donc cette fugue, au sens musical du terme, orchestrée par Jean-Claude Denis de brillante manière, textes et dessins à l’unisson, une histoire pleine de sensibilité et d’ironie, polar plein d’humour tout en pichenettes subtiles à la société moderne. Pour mieux tendre vers la lumière, le silence. Dans la quiétude de cette zone de confort.

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- Zone blanche, de Jean-Claude Denis, 72 pages couleur, Futuropolis, 16 €

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