
Le plateau s’éclaire violemment, des néons blancs, lui , Stan et elle, Audrey entrent. Il est devant agité, elle porte un sac et va se trouver littéralement sidérée par l’attaque. « Je voulais te dire que ça s’arrête, ça va pas continuer, on va pas continuer, ça va s’arrêter là ». Pendant cinquante minutes, il va lui dire qu’il la quitte, qu’il ne l’aime plus, ne qu’il ne la désire plus. Mettre à mort l’amour. L’indicible, l’inaudible, il va le lui dire, lui balancer comme autant de coups. « Clôture de l’amour », c’est le titre de la pièce.
Elle encaisse, se courbe un peu, se relève,étrangle un sanglot. Il lui intime de ne pas pleurnicher, elle n’a jamais pleurniché, elle est « la femme la plus fore du monde »« Je m’en vais, je vais faire quelques pas en arrière, je vais saisir la poignée de la porte, la tourner, ouvrir la porte et sortir et ce sera fait ». Il la désigne bras tendu, index pointé, se tient à distance lui ordonne le regarder en face lui interdit de plier L’acteur est en sueur, il tremble encore. Fin du premier round.
Et c’est à son tour à elle d’envoyer. « …mais tu ne vas pas reculer, tu ne vas pas faire quelques pas en arrière…tout cela non tout cela ne va pas se passer ainsi… ». Son langage est plus trivial, sa colère est à la hauteur de ce qu’elle vient d’encaisser, elle lui crache la rhétorique, lui démonte le discours, l’envoie au tapis, lui remémore un vol Florence –Paris où elle est folle amoureuse, des souvenirs, elle en à la pelle et ça on ne lui prendra pas. Il peut prendre la gravure au fusain, la chaise brodée, il ne lui prendra pas sa mémoire, son histoire. Elle ne craint pas l’approche, mais jamais ils ne se touchent. Les corps ne se touchent plus,Il l’écoute courbé et finit à genoux.A sec, pas de larmes, pas d’humeurs, des mots qui fusillent plus sûrement que n’importe quelle Kalachnikov. L’amour est mort rien ne peut le ranimer.
Clôture de l’amour,c’est aussi une histoire de théâtre. Les deux personnages portent les prénomsdes deux acteurs, Audrey Bonnet et Stanislas Nordey, acteurs incandescents aussi puissants dans leur écoute que dans leur monologue. Elle est interprète, il est metteur en scène. Ils formaient un couple à la ville comme à la scène, intime/extime.Pascal Rambert l’auteur, metteur en scène et directeur du Théâtre de Gennevilliers ne met aucune frontière entre le privé/le public, le dedans le dehors. La vie est théâtre. La scène, dans tous les sens du terme, se passe dans le lieu de travail (la salle reconstituée de la salle de répétitiondu Théâtre de Gennevilliers).
Entre les deux monologues des enfants viennent les interrompre et vont chanter « Peu à peu tu me happes... » Bashung , par un cœur de gamins. Chair de poule,les amoureux se rapprochent pensant comme il est dit dans le texte « que ça ne leur arrivera pas à eux » les autres sortent discrètement un mouchoir. Outre la beauté de l’instant, on reconnaît là encore la manière de Rambert de tenir le théâtre, y associer le public sans démagogie aucune . Cet homme-là n’a pas clôt son amour du théâtre.
Clôture de l’amour jusqu’au 22 octobre
Théâtre de Gennevilliers 01 41 32 26 26
www.theatre2genevilliers.com
Clôture de l'amour débat philosophique avec Gérard Pommier: Que veut dire "faire l'amour?"
entrée libre sur réservation en ligne ou au 01 41 32 26 26