
Les récits des événements futurs commencent par la prédiction d’un homme doué de pouvoir divinatoire. Il annonce une catastrophe à celui qui vient le consulter. Celui-ci voudra changer le cours des choses, mais en vain. C’est autour de cette question de la croyance, de l’information ,de la responsabilité que tournent les récits des événements futurs écrits par le metteur en scène Adrien Béal et les cinq acteurs . La bande du théâtre déplié , à travers leurs « petites histoires », met en jeu la pensée du philosophe autrichien Günther Anders en plaçant leurs Récits à hauteur de la catastrophe quotidienne, banale, pathétique et même drôle. Parfois naïvement mais toujours avec pertinence, ils interrogent la responsabilité individuelle et collective et le sentiment de culpabilité. Bénédicte Cerrutti est particulièrement convaincante en femme au bord la crise de nerfs, se sentant personnellement coupable du Tsunami ,houspillant son adolescent de fils, le tout aussi parfait Benoît Carré, hagard devant ce déchaînement de culpabilité maternelle ! Les acteurs tous excellents, changent de rôles, jeune cadre avide de promotion, ministre, devin, mère de famille… Un déplacement de table, un paquet de corn flakes et l’on est dans les bureaux d’un ministère ou la kitchenette d’un appartement. La scénographie de Kim Lan Nguyen Thi souligne l’aspect étrange et familier. La pièce dans laquelle se déroulent ses récits est vue en perspective avec pour point de fuite une porte. Chaque fois qu’un acteur sort, on a le sentiment que jamais il ne reviendra et notre imaginaire de spectateur angoissé se représente le pire. Dans cette pièce en entonnoir, les acteurs s’assoient sur des bancs posés à une hauteur qui semble les inclure dans le mur. Ainsi perchés, ils paraissent condamner à regarder le défilement factice des nuages à travers les deux fenêtres du mur opposé, à être spectateurs des scènes qui se déroulent sans possibilité d’intervention.
L’un des derniers récits est écrit à partir de la correspondance de Günther Anders et Claude Eatherly . Après la seconde guerre mondiale, Günther Anders a consacré son œuvre à alerter ses contemporains sur les conséquences pour notre humanité de l’armement atomique, mais aussi de la manipulation de l’information et de la dévastation engendrée par la consommation de masse. Les titres de ses ouvrages résument le postulat « obsolescence de l’homme « ou « sur la bombe et les causes de notre aveuglement face à l’apocalypse ».Claude Eatherl était le pilote de l’American Air Force qui a effectué le vol de reconnaissance météo, juste avant le largage d’Enola Gay, le 6 août 1945.Claude Eatherly, a passé de nombreuses années en hôpital psychiatrique et c’est pendant cet internement qu’il a correspondu avec le philosophe . Lui qui se sentait personnellement responsable de la mort de 220 000 japonais, était, comble de l’ironie, interné car déclaré irresponsable alors qu’il avait commis quelques hold-up après à la guerre !
Après s’être aperçu qu’il apparaissait sur toutes les photos qui témoignaient d’un accident, la chute d’une grue, un accident de voiture…le devin décide de disparaître, espérant ainsi limiter les dégâts.
Qu’allons nous devenir ? Les Récits des événements futurs ne présagent rien de bon!
Au théâtre de l’Echangeur à Bagnolet jusqu’au 7 novembre
le 21 novembre au Théâtre du Garde Chasse aux Lilas
les 24 et 25 novembre au Tandem Douai_Arras
les 27 et 28 novembre au Théâtre de Vanves