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Elle est de dos, le corps traversé de secousses, la robe rouge sombre laisse voir son dos noir. Elle est dans l’angle d’une chambre blanche, aussi blanche que sa peau est noire. Sur le sol des lampes de chevet kitsch avec pieds en marquis de porcelaine sont renversées. De petites touffes d’herbe au pied de chaque lampe posés comme des offrandes, des lettres pliées au pied d’un micro, le décor de Bronx Gothic évoque la chambre mortuaire . Les secousses parcourent ses reins, ses fesses tremblent, les bras s’agitent comme dans un rituel chamanique. Elle, c’est Okwui Okpokwasili, actrice, danseuse, auteure, elle va se donner entièrement à la scène avec une puissance rare. La nappe sonore se transforme en vacarme, voix de gosses braillards, la sueur ruisselle dans le creux de la colonne vertébrale. Puis elle nous fait face, et nous sidère littéralement. Elle ramasse quelques feuilles de papier, une voix enfantine commence par ces mots « j’ai eu un orgasme » . La lecture continue, Okwupi nous livre son histoire. Ou comment d’une gamine de 11 ans qui découvre l’orgasme demande à sa copine plus expérimentée, celle qui a de vrais seins et donc le droit d’être odieuse, d’être très explicite quant aux secrets du sexe. Du goût du sperme en passant par la sodomie, les gamines sont déssalées ! Les lettres deviennent de plus en plus crues et derrière la sexualité précoce, se dessine la violence d’un monde où l’on est mère à 15 ans, où le viol fait partie d’une éducation, où l’on frappe la peau pour en enlever la couleur. Elles révèlent aussi toute la méchanceté et la perversité de l’enfance . « Tu es laide, tu es laide, avec tes cheveux crépus, ta peau noire, tu es laide » lui répète-t’on à l’envi. Les lettres sont entrecoupées de chants, qui rappellent ceux des griots africains. Elle s'offre avec rage, le corps se disloque. A chaque lecture, la voix trouve le rythme, vecteur d'une émotion nouvelle . C’est le visage en larme que Okwui Okpokwasili tue le démon qui l’habite par l’image d’une gamine baignée dans son sang. Bronx Gothic nous laisse dans un état second, la sensation d’avoir vécue une cérémonie exorciste.
Dans le cadre du festival New-York in Genevilliers
jusqu'au 5 avril.
Tél : 01 41 32 26 26