Gwenaël Morin accueille les spectateurs, un gourdin à la main, il s'assure que tout est en place, frappe les trois coups , s'ensuit une course-poursuite entre Orgon voilé d'un drap noir, et la fille, le gendre, le fils, la servante...Au-dessus de la scène, un écriteau annonce la couleur « Tartuffe d'après Tartuffe de Molière, ou voir tout sans rien croire ou l'histoire d'un homme traître à lui-même » . La farce (tragique) de Tartuffe est prise par la queue et c'est un Orgon (Grégoire Monsaingeon) fou de désir qui réclame le noir allongé sur la table. Un chandelier véritable braquemart posé sur l'entre jambe il susurre son texte « un homme, un homme ...ah, un homme enfin » au bord de la jouissance. Les personnages sont joués par des hommes à l'exception d'Elmire (la femme d'Orgon, excellente Barabra Jung) et Gwenaël Morin pousse le bouchon jusqu'à faire jouer l'objet du désir, Tartuffe et Marianne (la fille) et par un seul et même acteur (Julien Eggerickx). Une perruque à la frange trop longue fait l'affaire et transforme le monstre de perversité en ado androgyne adepte de la tectonique. Orgon, père incestueux, homosexuel refoulé, annonce à sa fille en deux prises de judo et coups de reins explicites son intention de la marier. Laissée KO au sol, elle murmure un « je te le dis Dorine, il faudra que Shakespeare » au lieu de "j'expire", les clins d'oeil au théâtre ne laissent jamis le spectateur en route. Le chandelier passe de main en main en bâton de relais, le fils (Ulysse Pujol) Goldorak en culottes courtes , se fera foutre dehors alors qu'il a été témoin des avances au pas de charge de Tartuffe sa mère. idem de la servante Dorine (Renaud Bechet) et du beau -frère (Gwenaël Morin) qui réclame la « lumière une bonne fois pour toutes ». C'est Elmire qui devra payer de son corps pour déciller enfin son refoulé de mari. Dans un numéro de bravoure, elle se transforme en bombe sexuelle, avec la maladresse qui sied à la femme bafouée et peu coutumière de la barre de strip-tease. On s'étrangle de rire auant qu'on pleure sans jamais perdre de vue la cruauté du propos. Lorsque enfin ,Orgon revenu à la raison ordonne à Tartuffe de partir, le « trop tard je suis chez moi » tombe comme une douche glaciale.
Les acteurs, tous excellents, jouent avec une jubilation contagieuse le théâtre dans tous ses recoins, crient « Feu, Molière , noir , lumière". La scène ils s'en emparent en toutes circonstances. Pendant toute a saison 2009/2010, Gwenaël Morin et sa bande ont mené un projet de théâtre permanent aux laboratoires d'Aubervilliers en banlieue parisienne. Répétitions le matin, ateliers avec les amateurs l'après-midi et spectacle le soir. Le tout cinq jours sur sept, et gratuitement. Le Tartuffe qui arrive sur la scène de la Bastille ne perd rien de la radicalité des présentations d' Aubervilliers. L'économie de moyens est ici une posture politique. Elle fait la nique à un certain théâtre institutionnel, qui sombre trop souvent dans le faste des décors, l'inflation de mise en scène qui brouille le sens. Les caches misères ne sont pas ceux que l'on croit. Vivement le mois de Novembre, La troupe remet le couvert avec Bérénice.
Photo: Pierre Grosbois
Jusqu'au 31 octobre au Théâtre de la Bastille à Paris
Tél. : 01 43 57 42 14
www.theatredela bastille.com
Scandale ! Premier festival Bastille Quartier Libre
Le 9 octobre et 10 octobre de 10h à18h Gwénaël Morin appelle à prendre d'assaut la rue de la Roquette. Rejoignez le au Théâtre de la Bastille