La salle, l’intime boîte noire est plongée dans l’obscurité totale. Surgit une voie, douce, belle, une voix de femme avec un léger accent anglais. Celle de Kate Moran, l’actrice.
Elle nous parle de la crémière à qui elle échange deux bouteilles de lait contre un revolver. Elle dit quelle est un homme, qu’elle n’a pas d’argent pour payer, qu’elle a tué. La voix se ballade, on perçoit le léger crissement des pieds sur le sol. Tout doucement un spectre de lumière , une forme se dessine, un ectoplasme, un fantôme ? la voix nous dit que c’est un chien. La forme se précise mais pour mieux nous troubler encore, est-ce un homme ?une femme ?Laligne de tension est si forte qu’on se surprend immobile comme pour mieux saisir le moindre de ses mouvements, comme si l’on craignait qu’un geste un peu trop brusque la fasse disparaître et rompe l’enchantement, on respire avec elle. Nouvelle plongée dans les ténèbres, applaudissements, on se lève enchantélittéralement, que s’est-il donc passé ? Un moment inouï où le théâtre existe, nous remplit. « De mes propres mains » est écrit et mis en scène par Pascal Rambert .

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Bouleversé on hésite à enquiller sur le deuxième spectacle, le solodu danseur et chorégraphe Rachid Ouramdane, « Loin ». On a tort d’hésiter, on le saura une heure plus tard. Ouramdaneenquête, fouille les souvenirs familiaux. Ilspassent par le Vietnam, ex Indochine une guerre dont on ne parle plus. Son père y a combattu. L’Algérie était française onl’avait oublié ! Rachid Ouramdane a remonté le courant, Hanoï, Saïgon, Haipong… il interviewe les vétérans, les enfants, petits enfantsdel’Indochine, la France, puis ceuxdu Vietnam, les américains. Rien n’est simple, certains recommandent l’amnésie.Il nous dit ses notes de voyage, sa quête identitaire au pays du tigre et des poissons multicolores entassés dans les aquariums. La voix passe à travers les cornets de haut-parleurs des gramophones, ambiance.Il danse, multiplie les identités, homme sans visage, femme voilée, otage ou terroriste, « jeune de banlieue », il a une ondulation lancinante, un tremblement de transe on est au bord des larmes. On sort du théâtre ému jusqu’à la moelle.Prêt à rempiler pour le second programme de cette série intitulée Portait/portrait qui démarre le 17. Genevilliers, c’est à côté.
Du 6 au 13 mars De mes propres mains de Pascale Rambert avec Kate Moran
Loin de Rachid Ouramdane
Du 17 au 22 mars
Les morts pudiques Rachid Ouramdane
Un garçon debout : Rachid Ouramdane/Pascal Rambert
Théâtre de Genevilliers 01 41 32 26 26