Nuno Mendes est portugais, a appris la cuisine en Californie, a fait un bref passage en Espagne chez El Bulli avant de trouver son bonheur à Londres où le 1erjanvier 2007 le Guardian titrait: «Nuno Mendes: the future of food».
Il y a des découpages administratifs et électoraux dont les effets collatéraux peuvent être surprenants. Celui de 1965 à Londres a notamment eu pour effet de rendre le bâtiment de la Mairie de Bethnal Green totalement inutile aux citoyens. Certes, on y tournait bien quelques films depuis, mais la splendeur de cette œuvre baroque de 1910 abandonnée par les pouvoirs publics semblait vouée pour toujours à illustrer quelques livres d’histoire. Et puis voilà un voyageur, viajante en portugais, qui décide d’y poser quelques chambres, un bar et surtout ce qui apparaît sans conteste comme l’un des meilleurs restaurants de la Capitale.
L’accueil est à la mesure du trouble architectural, avec cette jeune fille toute droit sortie d’un groupe de Gospel et qui porte autour du cou la clef du paradis qui vous attend.
Nuno Mendes fait partie de cette famille de jeunes cuisiniers qui voyagent sans tout mélanger. Il est d’abord et avant tout nourri d’une cuisine pauvre et essentielle de son Portugal natal et il vous le rappelle dès l’abord avec un pain à la farine de maïs et le premier vin qui va accompagner votre repas, un Vinho Verde sublime de subtilité (Casa de Cello Branco « Quinta de San Joanne » 2009). Bien entendu, Nuno n’est jamais ostentatoire et ne file aucune relecture des clichés portugais tout au long des treize plats du menu dégustation, mais il garde cet esprit des goûts prononcés et lisibles.
On retiendra dans ce registre deux plats qui se suivent à la carte et qui ont pour couleur de fond principale le noir. Le premier a cette apparence flottante due à sa composante principale : une algue communément appelée Laitue de mer. Avec ses petits radis en pickles, on s’imagine dans sur un bord de mer goûteux mais léger.Quand l’encre de sèche et la force du calmar entrent en scène, ce sont les fonds marins dont il s’agit. Si vous ajoutez que le vin proposé ce soir là vient de Jerez (Navazos Niepoort2009) et qu’il fleure bon le goût du Fino, la longueur en bouche devient exceptionnelle et l’on aime boire cette tasse là.
S’en suit une autre œuvre au noir composée de poireaux carbonisés, servis avec de la peau de lait et une émulsion de cendres. La première sensation est évidemment celle d’une plongée dans les restes d’une cheminée. Nécessité de se secouer un peu avant de poser sur ce fond de terre brûlée cette peau de lait soudain encore plus doucereuse que dans votre imagination et d’apprécier ces poireaux qui, pour filer la comparaison avec le vin, arrivent en milieu de bouche. Un plat de voyage instantané, un aller-retour enfer-paradis en classe affaire.
Nuno épate jusqu’au bout, aussi à l’aise dans le chevreuil au foin que dans l’agneau aux céréales et surtout dans ses desserts dont une fabuleuse crème d’argousier avec sorbet yogourt sur laquelle il fait fleurir de la meringue. Et devinez comment la meringue ? Brulée, ça va de soi !
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