
Un tout nouveau festival, (Des) illusions, quatre spectacles par soir, Danse, théâtre, cirque, magie, voir tout à la fois, il fallait être gonflé à bloc pour oser ! C’est ce qu’on fait Stéphane Ricordel et Laurence de Magalhaes. Membres fondateurs de la compagnie de trapèze volant Les Arts sauts avant de devenir co-directeurs du Monfort , c’est en haut-voltigeurs qu’ils dirigent ce lieu. Leur programmation toujours audacieuse , affirme un vrai goût pour le risque. (Des) illusions fait fi de classifications par genre et propose en dénominateur commun des spectacles extrêmement vivants qui, tous, à leur manière font bouger les codes de représentations et notre rapport de spectateur, à l'instar de Ceux qui restent et Qui-Vive .
Ceux qui restent

Le metteur en scène David Lescot a interviewé Paul Felenbok et Wlodka Blit-Robertson, nés en 1931 et 1936 dans le ghetto de Varsovie. Enfants du ghetto, ils ont survécu à l’horreur, sont passés par les orphelinats polonais avant d’émigrer en France ou en Angleterre. David Lescot porte à la scène ces entretiens, interprétés par deux acteurs Marie Desgranges et Antoine Mathieu, qui vont à tour de rôle être l’interviewer, David et les interviewés Paul et Wlodka. Le dispositif est très simple, deux chaises posée sur le plateau, celle de l’interviewer derrière celle de l’interviewé. Quand Antoine questionne, il met ses lunettes, quand Marie devient Wlodka, elle s’enroule dans une grande écharpe. Les deux acteurs se font passeurs des deux récits, aussi justes que la parole qu’ils délivrent. À travers leur histoire, c’est l’histoire de la guerre, mais aussi celle de l’après-guerre, pas tellement plus réjouissante pour les juifs du bloc de l’Est. Le lit de l’antisémitisme creusé notamment par les Catholiques polonais, ukrainiens mais aussi les communistes russes semble ne jamais vouloir se défaire et l’actualité ne porte pas à l’optimisme. Les récits sont d’une vitalité époustouflante. À hauteur d’enfant, puis d’adolescent et d’adulte, Paul et Wlodka raconte un quotidien effrayant, émouvant, absurde et drôle aussi. les joies d’une course à vélo, les cachettes, les voisins, l’arrivée chez un oncle peut amène en France, le déni des jeunes communistes français face aux pogroms perpétrés par les russes après-guerre. On se surprend à rire quand Paul raconte l’orphelinat polonais et la bonne sœur zélée qui pense tranquilliser les enfants en leur racontant que le bruit des feuilles dans les arbres ne sont pas l’effet du vent, mais les pleurs des pendus ! Paul est devenu astro physicien et Wlodka radiologiste, l’un vit à Paris l’autre à Londres deux exemples vivants de ce que l’éthologue et écrivain Boris Cyrinulk, lui aussi enfant du ghetto a appelé la résilience. Ceux qui restent nous émeut autant qu’il nous meut, et curieusement, c’est presque joyeux de tant de vitalité que l’on sort de la Cabane, la petite salle en bois du Monfort.

Qui -Vive
Détourner l’attention, avoir un bon bagou et donner au virtuel l’aspect du réel, bref, créer de l’illusion. Illusionniste est par ailleurs l’autre nom donné au magicien. Ils sont trois Thierry Collet, Kurt Demey et Carmelo Cacciaton qui font disparaître et apparaître sous des gobelets à priori vide des boulettes en aluminium. B.A.B.A. du magicien, les trois compères nous refont le tour en nous montrant les trucs. On voit tout , ça n’en est pas moins épatant ! Agilité des mains, capacité à dévier la concentration du spectateur sur l’objet de son choix, le magicien mentaliste est un maître manipulateur. L’air de rien, Qui-vive est un spectacle d’éducation politique .Les passe-passe d’un tour de magie appliqués à la publicité , au discours politique et il n’en fait pas plus pour faire la démonstration que les recettes sont les mêmes : Evidemment , les trois olibrius ne nous donnent pas tout leurs trucs, et ne s’arrêtent pas au coup de la boulette sous le gobelet. On est bluffé de bout en bout. Pickpockets émérites, il savent aussi tout de l’identité de certains spectateurs et promis ce ne sont pas des complices ! J’ai vu la dame qui répondait au nom de Sylvie au bord de l’évanouissement quand après lui avoir décliné son identité, la couleur de son couloir, Thierry lui a détaillé le magnet sur son frigo ! De tours en tours, ils nous trimballent tout en nous expliquant que tout ça est assez simple, c’est une question d’attention ! On est sous le charme, et comme ils nous le répètent tout au long de la soirée, c’est bien là le problème. Il faut nous réveiller, être sur le Qui-vive son nous voulons garder un minimum de libre-arbitre. Spectacle jubilatoire pour tous, Qui-vive donne quelques pulsions émancipatrices , mais aussi, une envie de ressortir la boîte du petit magicien !
Ceux qui restent et Qui-vive sont joués tous deux dans la Cabane. Dans la grande salle , une histoire du rock et Pleurage et scintillement sont au programme. Vive (Des) illusions !
Festival (Des) illusions jusqu’au 23 mars
Monfort Théâtre à Paris
www.lemontfort.fr/ 01 56 08 33 88
Ceux qui restent jusqu’au 23 mai
Qui-vive jusqu’au 16 mars puis en tournée
21 mars St Junien
25 et 26 mars Quimper
11 et 12 avril St Ave
15 avril Auray
17 avril Landerneau
23 et 24 avril Caen
29 avril Fontenay
13 mai St Maximin
20 et 21 mai Gap