
C’est écrit sur le programme distribué à l’entrée : Nous ne jouerons pas la pièce de Peter Handke. Dans la salle, les acteurs sont là, discutent autour d’une table, comme on le fait dans l’arrière-cuisine. On entend au loin la radio et une suite au violoncelle. Le texte est projeté « Nous ne jouerons rien, nous ne représenterons rien, vous ne verrez rien, vous ne regardez rien ». Un petit rire nerveux parcours la salle :et, si en effet il ne se passait rien d’autre que de voir ces personnes sur scène vaquer à leurs occupations ?.Heureusement, la Cie De Koe, et Peter Van den Eede metteur en scène aiment trop le théâtre pour nous faire subir un tel outrage. En vrais roublards de la scène, ils vont, une fois encore, nous donner une magistrale leçon de théâtre. Outrage au public a été écrit en 1966 par Peter Handke et fit scandale : pas de narration, pas de représentation, une pièce de théâtre qui raconte ce qu’est une pièce de théâtre, pas de personnages, pas d’intrigues. Un texte jubilatoire, presque un manifeste pour De Koe qui fait un théâtre qui joue sur les limites du vrai et du faux, du jeu et du non-jeu..Ils traduisent les textes et les jouent dans la langue du pays où ils se produisent, c’est donc en français teinté d’un charmant accent néerlandais qu’ils jouent avec le texte. . Peter Handke met à nu la cuisine du théâtre et c’est littéralement ce que vont faire les acteurs de Dekoe. Le plateau, magnifiquement scénographie par Matthias De Koning également éclairagiste, évoque une de ces grandes cuisines de campagne, la scène et une partie du public sont éclairés par les mêmes plafonniers, nous sommes ensemble, l’ambiance est chaleureuse. Les acteurs installent de grandes tables sur tréteaux, et vont préparer ce qui s’apparente à un festin. Tout en mixant, broyant, coupant, ils vont, l’air de rien nous jouer le texte injouable. L’exercice tient de la haute voltige, Gene Bervoets cabotine à dessein, fait semblant de se couper un doigt, se met dans la poche le spectateur,. Ils font tout ce qu’ils disent qu’ils ne feront pas : faire des intermèdes, s’adresser au public….Ils nous font rire, bien qu’ils ne soient pas là pour ça ,s’échinent à nous expliquer la relativité du temps et son inexorable passage. Notre condition de spectateur est sans cesse redéfinie , et c’est comme un seul homme que nous nous levons lorsqu’on nous le demande, alors même que l’on nous démontre la manipulation dont nous faisons l’objet ! Outrage au public est une œuvre véritablement mensongère, pour notre plus grand plaisir.
Au théâtre de la Bastille dans le cadre du festival d’automne à Paris jusqu’au 18 novembre
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