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Billet de blog 14 juin 2011

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Les possédés de haut en bas

© Bérangère Bienfait Il y a des spectacles qui vous retournent sans que vous n’y preniez gare et « Loin d’eux » est de ceux là. Il vous attrape aux tripes sans jamais verser dans le pathos, on se trouve spectateur actif à reconstruire le puzzle à partir des fragments délivrés.

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© Bérangère Bienfait

Il y a des spectacles qui vous retournent sans que vous n’y preniez gare et « Loin d’eux » est de ceux là. Il vous attrape aux tripes sans jamais verser dans le pathos, on se trouve spectateur actif à reconstruire le puzzle à partir des fragments délivrés. Loin d’eux c’est un roman, écrit par Laurent Mauvigner. Un jeune auteur dont la langue donne la parole à ceux qui ne la prennent jamais, ceux qui ont peur des mots, de l’émotion qu’ils dégagent, parce que la pudeur, parce que l’on n’a pas appris. Sur le plateau vide , une chaise en formica. L’acteur, Rodolphe Dana, est là, présence discrète surveillant l’installation des spectateurs, puis il avance au bord du plateau et raconte :.Un jeune homme, Luc s’est suicidé. Et chacun va prendre la parole y compris le jeune homme pour dire l’indicible, se remémorer,l’avant , tenter une explication au geste fatal. L’en semble des fragments dresse le tableau d’une famille somme toute comme il y en a tant, une famille où les mots ne servent qu’à désigner jamais à dire , Un père qui ne sait dire son amour qu’en gueulant, une mère inquiète de ne pas voir de « petites amies » , un fils qui passe son temps enfermé dans sa chambre tapissée d’affiches de cinéma des années 50 , un oncle et une tante qui tapent dans le dos et répètent « c’et malheureux ». Le fils part à Paris travaille dans une brasserie des Champs Elysées. Loin d’eux, de ceux qu’il ne supporte plus, il connaît une autre solitude. Fierté des parents, enfin il travaille. Un week-end sur deux, ils l’attendent sur le quai de la gare, 10 mn d’avance, l’amour ne passe pas par les mots. Il y a quelque chose des chansons de Jacques Brel dans ce texte. La chaise ne Formica devient support de projection du décor que nous imaginons. Le café réchauffé au micro onde, la cuisine équipée … « Qu’est ce qu’on a pas su faire » répète Marthe la mère. L’écriture de l’auteur est à l’inverse de la rudesse de ses personnages, sensible précise, littéraire, pour mieux mettre en relief l’absence, le manque de paroles de ces gens-là. « Qu’est ce qu’on n’a pas su faire » répète Marthe la mère. En nommant la douleur, Laurent Mauvigner ne la rend pas moins vive, elle devient supportable et la vie continue. Rodolphe Dana donne voix à Marthe Jean, Geneviève, Luc, Gilbert. Une présence irradiante, une manière pleine d’être en scène, une façon de nous parler comme si l’on faisait partie de la famille sans tomber dans la séduction . un jeu direct dont on ne voit jamais l’écriture minutieuse. . Il est magnifiquement dirigé par son complice David Clavel, membre du collectif « Les possédés ».

Les Possédés ont pris la Bastille salle du haut et salle du bas .A 19h30 dans la petite salle, David Clavel et Marie-Hélène Roig jouent « Planète », un texte d’Evgueni Grinchkovets. Il y est question de solitude, de fenêtres éclairées et d’amour. Le texte d’Evgueni Grinchkovets décrit à merveille ses moments où l’on a l’impression que tout fait signe, la résonance d’une chanson pop, d’une affiche de publicité qui vante un produit pour une « meilleure communication. L’amour tout à la fois extraordinaire et si banal ! Universalité du propos, les rires fusent dans la salle dans la description de l’état amoureux, son début, son milieu sa fin. David Clavel et Marie-Hélène Roig sont superbes de justesse, et d’humour.

La saison au Théâtre de la Bastille se termine en beauté par cette soirée à fleur de peau.

Jusqu’au 2 juillet au Théâtre de la Bastille à Paris

www.theatre-bastille.com

01 43 57 42 14

Photo « Planète » © Bérangère Bienfait


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