On connaît bien Frank Castorf, l’un des directeurs de la Volksbühne à Berlin, on sait sa capacité avec ses collègues codirecteurs Christoph Marthaler et René Pollesch à exploser le théâtre européen,on sait la place qu’ils occupent dans l’histoire du théâtre contemporain, mais on n’avait pas encore bien saisi ce qu’était pour eux le renouvellement des générations, la passation de pouvoir, la dimension intergénérationnelle de leurs pratiques et le sens politique qu’ils y mettent pour éviter tout vieillissement de leurs propos.
Amis directeurs des théâtres français, un petit tour au troisième étage de la Volksbühne voir évoluer le groupe P14 serait du plus bel effet dans votre parcours de formation continue. Vous auriez pu notamment y découvrir le 17 avril dernier la restitution d'un atelier autour de l’oeuvre de Godard, monté en français et en allemand avec une trentaine de jeunes amateurs et semi-professionnels de 16 à 25 ans de la plus haute qualité.
Parce qu’ici, non seulement on sait recevoir, accueillir, diriger et produire en un rien de temps, mais en plus on se paye le luxe d’être intrinsèquement européen. La succession de 14 tableaux, mêlant danse et théâtre, s’attaquant beaucoup à « Masculin/Féminin » et à « Une femme mariée » mis en scène par les français de la Compagnie La Rumeur en collaboration avec P14 donnait une réelle impression de renouvellement et d’universalité de Godard. Bien sûr des maladresses, bien sûr des cabotinages, mais du sens, beaucoup de sens et un grandiose théâtre dont les directeurs ne craignent pas la retraite.