
Un homme, le père André arrive sur scène, claudiquant. Missionnaire, père blanc au Congo. Missionnaire, un mot qui transporte avec lui les horreurs de la colonisation , de l’évangélisation des damnées de la terre,Seul face à un micro , Père André tripote un cahier, s’excuse de ne pas être au courant des dernières informations, et de son fort accent flamand. Il parle d’aujourd’hui. Il raconte son quotidien, à des années lumières de la vision coloniale, loin de Tintin au Congo. Même si les quatre outils du missionnaire restent les mêmes « un casque, une moustiquaire, un coffret de messe et une pince pour arracher les dents ». L’ustensile le plus utile étant probablement la pince pour arracher les dents. Ce qu’il nous raconte c’est une vie d’engagement, de convictions et de doutes. Père André parle de sa vie, de la femme dont il était amoureux à 17 ans, avant de choisir le séminaire, avant d’avoir la vocation. Il parle, du célibat, des sorciers en Afrique, des préservatifs qu'il distribue, des routes défoncées, de la guerre, des réfugiés, de son frère au bord du divorce, des enfants qui sont « speed » . Il parle comme un homme qui n’aurait pas parlé depuis longtemps et qu’on n’écoute que rarement. Il saute du coq à l’âne, d’une anecdote truculente à une atrocité guerrière, cherche ses mots et s’assure de la bonne traduction en français. Un homme qui a tout vu , les charniers, les tueries, il a vécu 6 guerres, mais qui pense que, peut-être dans 500 ans, les choses s'amélioreront. Evidemment ça calme!
L’auteur David Van Reybrouk, a sillonné l’Afrique et plus particulièrement le Congo. Il a interviewé plusieurs missionnaires en activité pour donner voix au Père André . Des hommes de Dieu, et surtout des hommes d’action, qui puisent dans leur foi la force pour affronter le monde. Les montagnes qu’ils déplacent c’est par leur acharnement au quotidien à construire une route, un pont, apprendre à lire, améliorer l'ordinaire de villageois dévasté par les guerres, la famine, les exactions , les moustiques, les sorciers cupides. Des hommes qui voient chaque jour l’afflux des réfugiés en RDC, la corruption au quotidien et qui de retour en Europe sont désarmés devant la déliquescence matérialiste de la société, De l’altruisme sans retour sur investissement, car ces missionnaires-là se fichent bien d’évangéliser. David Van Reybrouk tavaille avec le collectif KVS, le Théâtre Royal Flamand. à Bruxelles dont est issu le metteur en scène Raven Rüell . On reconnaît la patte « belge », une manière de faire du théâtre dans lequel le spectateur ne se sent jamais.exclu et l’extraordinaire acteur Bruno Vanden Broecke nous mène dans ce bateau avec une telle conviction qu’on le confond avec son personnage. Au point que l’on se surprend à réagir comme dans une conversation, acquiescer, rire, s’émouvoir ; jusqu’au final, prodigieux « coup » de théâtre :Mission accomplie, standing ovation
Au Nouveau Théâtre de Montreuil
Salle Maria Casarès jusqu’au 30 novembre
01 48 70 48 90
www.nouveau-theatre-montreuil.com