
Ils vont faire la fête. Trente ans de mariage. C’est a mère surtout qui y tient, le père et le fils montrent moins d’empressement. Paroles de couple usé «Tu bois trop de café, arrête le sel c’est mauvais pour la santé, je l’ai lu dans le journal…», absurdité d’une vie qui file au café à jouer l’argent qu’on a pas encore gagné. L’auteur de la Fête et de Bar, Spiro Scimone est sicilien. Personnages beckettiens à la sauce italienne, pauvres bougres d’une banlieue où les mères couvent les fils ,rêvant pour eux de « la fille des légumes secs qui sait coudre, cuisiner et qui est.. intacte », alors que les pères ont jeté l’éponge dans la grappa et s’inventent chaque jour un nouveau destin au bar du coin. Le collectif de Quark fait de ce scénario pas réjouissant un pur moment de fête théâtrale. Au fur et à mesure du spectacle, ils déploient des trésors d’inventivité, mettent en abyme le jeu, de la distanciation, texte à la main façon brechtienne, au pur sitcom trash. La mère, (Severine Astel extraordinaire) est campée, magnifique, princesse de HLM ,au décolleté profond et mules à talons cheap, elle prend la pose. Le plateau se transforme en plateau télé par le jeu de deux panneaux en papier peint à fleurs pour faire le fond, une caméra et deux écrans télé qui reprennent lejeu acteurs en gros plan. Là, la Mama s’en donne à cœur joie. Perruque blonde de bimbo et chapeau de carton à paillettes, elle explore tout les registres, irrésistible. On prend la fête en gros plan, avec langues de belle mère et cotillons en prime. C’est bourré au Champomy pour les acteurs et morts de de rire pour les spectateurs que la Fête se termine sur fond de Ti Amo et boule disco. On enchaîne avec Bar, titre de la deuxième pièce. Le clou de la première s’enfonce un peu plus. Ambiance affreux mais pas méchants, on retrouve Julien Lacroix (le fils) et Sebastien Lange (le père) qui excellent dans leur art de poivrot. L’un se rêve barman , l’autre ne rêve plus du tout., la fille pute du bar se verrait bien hôtesse. Elle vient donner du glamour au tableau dans un numéro de Cléopâtre mémorable. Deux cow-boys rôdent dans la pénombre tandis que des bulles comme celle des bande dessinées s’affichent sur le mur "Allez c’est le dernier, d’accord un dernier verre et on y va, d’accord c’est le dernier » . A la toute fin ,d’énormes chambres à air envahissent le plateau, bouées qui ne sauveront personne. On rit beaucoup de la misère des gens dans ce diptyque qui tient de la série noire, de la bande dessinée autant que du théâtre. Un vrai moment de plaisir partagé avec ces drôles de particules élémentaires.
La Fête suivi de Bar ,au théâtre de l’Echangeur à Bagnolet
Jusqu’au 29 novembre
Tél : 01 43 62 71 20