Les couloirs du Théâtre des Bouffes du Nord à Paris retentissent des trompettes , les mêmes que celles qui annoncent l’ouverture des portes dans la cour du palais des papes à Avignon. C’est l’heure pour les spectateurs d’y aller.

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Les acteurs sont là, affreux, maculés de sang, d’horribles fausses dents les défigurent, gladiateurs en pause, ou zombies au travail, ils jouent à la pétanque sur la terre battue du théâtre devenu terrain vague. Deux de ces épouvantails restent en scène et entament en play back le duo Ike et Tina Turner « I'v been loving you too long » » c’est parti. Fin du prologue, noir et lumière. La farce qu’ils vont nous jouer est cruelle, on en pleurera de rire. Les Chiens de Navarre, c’est le nom de la troupe, mordent dans le tas, déchiquètent allègrement les poncifs. Construit autour de séances de coaching pour « retrouver l’estime de soi », passer un entretien d’embauche et autres formations dont raffole Pôle emploi « Quand je pense qu’on va vieillir ensemble » va chercher dans les poubelles de la vie pour repeindre couleur sang les costumes des vendeurs de bien être. Coach blonde péroxydée aux ongles parfaitement manucurés , type mielleux qui répète à l’envie « tu nous fait un beau cadeau en nous disant cela, bravo » ou des phrases qui pourraient devenir cultes telle « si on est une friandise pour soi on est un bonbon pour les autres » assénées à une pauvre fille toute coincée à qui on demande d’onduler les hanches en faisant le 8 de l’infini et de reprendre contact avec ses ovaires. Il y est aussi bien sûr question du couple, une scène magistrale de voiture avec chiens à l’arrière règle son compte à la vie à deux. Ils osent sans retenue jusqu’à la pure poésie d’un couple enlacé nu sur un matelas de fortune. Dans les nombreux jeux de rôles qui leur sont proposé pour leur épanouissment personnel , il ya celui où l’on doit réaliser « son rêve d’enfance ». Céline veut être la princesse, elle jouera dans sa chambre avec Lapinou, en l'occurence Thomas. Il se livre à une véritable leçon de chose en explorant tous les étirements possibles de ce qui lui pend entre les jambes , et le gars ne manque pas d'imagination. Les Chiens de Navarre savent brouiller les pistes du jeu en gardant leurs vrais prénoms, en s’offrant au plateau, sans se cacher derrière le personnage. Ils poussent la représentation jusqu’à passer le plus clair de leur temps à jouer dos au public une mise en abyme du regard qui pose toute la question du voyeur et renvoie au grand déballage de vies devenu si familier. Le cirque prend fin dans un nuage de fumée.On en ri encore.
Théâtre des Bouffes du Nord à Paris jusqu’au 25 mai 2013
Festival d’Aurillac Août 2013
A suivre l’année prochaine avec d’autres spectacles
www.chiensdenavarre.com