
Pour la saison 2001/2012, la Comédie française propose cinq rendez-vous intitulés «lectures des sens». Chaque lecture est une rencontre entre des auteurs, un acteur et un artiste des sens, chef, parfumeur, sommelier. C'est le vin qui ouvre le bal avec l'invitation de Philippe Faure-Brac, promu meilleur sommelier du monde en 1992 et Laurent Stocker, sociétaire de la comédie française.
On connaît les accords mets et vins. Laurent Stocker va proposer à Philippe Faure-Brac un accord textes et vins. Le comédien va lire des extraits de textes de Molière, Flaubert, Daudet, Giono, Proust, Vian. Chaque texte évoque un menu, un plat. Il demande à Philippe Faure-Brac d'imaginer le vin qui aurait pu être servi avec les plats énoncés, et d'attribuer à chaque auteur la boisson qui le caractériserait. Un jeu savoureux, à travers lequel on apprendra beaucoup du vin, du sommelier qui nous régale d'anecdotes truculentes, le tout en dégustant les textes.
Ça commence fort avec la scène IV du Bourgeois Gentilhomme "Longe de veau de rivière", "pain des rives du four" et "carré de mouton gourmandé de persil" ouf... Le sommelier commence par un rapide rappel historique de ce qu'était le vin au XVIIesiècle, fort différent de ce que nous connaissons. Les méthodes de vinification, et surtout de conservation, n'avaient rien à voir, on les apellait vins clairs et ils venaient principalement de champagne. Puis il donne l'accord :
- "Le veau supporte bien la texture d'un grand bourgogne blanc, un meursault, par exemple, pour le carré de mouton, un Haut-Brion pourquoi pas ? qui existait déjà au XVIIe siècle...".
-Et si le Bourgeois Gentilhomme était un vin ? questionne Laurent Stocker.
« Un champagne, un magnum, il aimait paraître»,
Et Molière ?
Un vin du Languedoc sans doute, du côté de Pézenas...
On enchaîne avec Flaubert, Madame Bovary..... La soupe à l'oignon laissée par la bonne de Charles et Emma et qui lui vaudra son renvoi de la maison? Aïe, pas grand-chose avec la soupe à moins de faire « chabrot » (geste que pratiquait les paysans en mettant du vin dans la soupe). Il nous conte alors un mémorable « chabrot » lors d'une invitation au Château Cheval Blanc avec le prestigieux vin éponyme. Et les oeufs crémeux du Petit Chose ? et bien, un château neuf du pape blanc. On s'en régale rien qu'à l'entendre. Et Proust alors? Il n'était pas amateur. Et comment accompagner cette nature morte au homard, peinte par Delacroix avec, lièvre et faisan? Philippe Faure-Brac nous emmène sur les chemins de Romane Conti, Pétrus, ces vins que l'on peut garder plus de 200 ans. On apprend au détour que dans une dégustation à l'aveugle, les sommeliers ont trouvé à l'unanimité trop jeune.....Un château Yqem 1899.
Entre lecture et conférence, la soirée est des plus conviviales, que l'on soit ou non amateur de vin. On apprend, entre autres, que le vin existe depuis plus de 6000 ans, que Paris possédait de grands vignobles jusqu'au XIXe siècle, que la Côte Rôtie doit son nom à l'exposition plein sud des terrains arpentés, et qu'au 13 eme siècle, le sommelier était celui qui avait la charge des bêtes de somme. Son goût pour la table, Philippe Faure-Brac le tient de ses grands-parents restaurateurs. Il se souvient de la chambre de son enfance entre la cuisine et la salle de restaurant, de la phrase de son père qui vaut encouragement lorsqu'il décide de quitter le collège pour l'école hôtelière « tu vas en cuisine tu mangeras toujours ». Il se souvient du premier vin bu, encore enfant, un muscat Beaumes-de-Venise. C'est d'ailleurs grâce à lui qu'il se distingue à l'école hôtelière quand il le propose en accompagnement du classique riz au lait et aux abricots. Côté salle un verre du délicat muscat nous est servi. Saisis d'un même élan, nous le levons à la santé des artistes, belle image qui témoigne de la chaleur du moment partagé.
On termine avec Boris Vian, Laurent Stocker et Philippe Faure-Brac accompagnés au piano d'Osvaldo Calo entament en duo «, ‘ je bois systématiquement ». Le bon vivant qu'est Philippe nuance : « on ne boit pas pour oublier, on goûte pour se souvenir » C'est en chanson que se termine la soirée, le sommelier chante Brel, le port d'Amsterdam, hommage à la vie, aux harengs et à la morue !
Prochain rendez vous le 5 décembre avec cette fois Thierry Wasser, parfumeur de la maison Guerlain, et Françoise Gillard, sociétaire de la comédie française.
Pour plus d'informations consulter le site www.comedie-francaise.fr,
Lecture des sens au Studio Théâtre
Tél. : 01 44 58 98 58