
Le duo Berlin, qui comme son nom ne l’indique pas vient d’Anvers, créé des spectacles qui ne ressemblent à rien d’identifiable à ce jour. Il y a une scène, des spectateurs, un horaire, une durée mais pas d’acteurs. Ce que présentent Yves Degryse et Bart Baele tient tout à la fois dudocumentaire-fiction, de l’installation vidéo et du spectacle. Tagfish est lepremier volet d’un projet qui a pour nom «Horror vacui », une manière d'interroger le devenir de certains sites dans différentes villes ou régions. Tagfish, se situe dans une ancienne mine de charbon de la vallée de la Rhur en Allemagne : Zollverein.
Le site a été nommé au rang du patrimoine mondial de l’Unesco et a vocation à être transformé en « village créatif ». A savoir un lieu avec centre commercial, restaurant, jeux pour les enfants… Le principal investisseur serait un Cheik saoudien , il avancerai la jolie somme de 120 millions d’euros pour construire sur le site un hôtel de luxe. L’absurdité de la chose est bien réelle, l’investisseurs’est manifesté en 2001, les choses se sont accélérées en 2005 –2006 mais les acteurs, politiques,urbanistes, architectes et le Cheick en question… n’arriveront pas à finaliser le projet, peut-être tout simplement parce qu'ils ne parviennent pas à se réunir autour d’une table pour discuter du projet. Yves et Bart interviennent alors. Ils vont interviewer séparément les différents protagonistes, à 'exception du Cheik qui joue les arlésiennes, et réalisent par là un vrai travail qui s’apparente au documentaire. Puis ils font un montage et inventent la discussion qui n’a jamais eu lieu. Ils scénarisent, amènent la part de fiction et l’objet devient œuvre. Ils introduisent parmi les vrais protagonistes, l’ architecte, le négociateur, le journaliste, l’urbaniste, l’initiateur du projet de village créatif, un personnage qualifié de « genre étonné ». Il jouera les trublions et posera quelques vraies questions empruntées notamment à Max Frisch, du type « Avez-vous de l’humour lorsque vous êtes seul ? Unemanière d’élargir le débat et d’injecter une réflexion moins matérialiste.
Tout ce petit monde virtuel est réunit autour d’une bien réelle table d’administration entourée de fauteuils imposants. Sur le dossier de chaque fauteuil transformé en écran, l’image de chacun des acteurs du projet apparaît. C’est un pragmatisme raisonnable qui l’emporte face aux réserves émises par les uns et les autres et chacun finit par se rendre à l’idée qu’un palais de mille et une nuit pour nantis serait un moteur économique non négligeable. On imagine un instant un groupe de cheiks arabes faire du ski sur les anciens corons, djellabas au vent… tous conviennent que ce sont sûrement des hommes comme les autres, avec des problèmes de femmes, d’enfants, de voiture…et puisqu’ils ont l’argent cela ne peut faire que du bien à la région. Le hic de l’histoire c’est que le Cheik brille par son absence, il balade ses interlocuteurs de coups de fil en Chine, en fax au Etats-Unis. Le projet ne verra jamais le jour , c’est en Chine que le milliardaire aurait finalement investi.
Sur les écrans,les visages laissent la place au paysage de la mine, traversé par un groupe d' hommes vêtus d’habits traditionnels,vestes rouges avec bouton cuivrés et chapeau noirs à pompons. Ils font partie du « chœur consolidation » de Zollverein, et défilent surla terre minière de en chantant « Glükhof »,Glükhof. Bonne chance c’est ce que disaient les mineurs avant d’entrer dans la mine, On respire secrètement, soulagé que le projet ait capoté: Une chance en effet
Régulièrement invité par le festival Temps d’image et leFestival d’automne à Paris, Berlin est actuellement artiste associé au Centquatre à Paris. Avant d’être transforméen établissement culturel le bâtiment abritait les pompes funèbres de Paris, Une résidence qui devrait inspirer les artistes
Tagfish aété montré à Paris du 20 au 24 octobre dans le cadre du Festival d’automne etdu festival Temps d’images au 104 à Paris.
Leur prochaine création Land’s end sera présenté au 104 en février 2012