
Aglaée 70 ans au compteur dont pas loin de 60 à faire la pute! Pas besoin d'être fort en calcul,oui c'est à 12 ans, «peut être même bien10», qu' Aglaée, qui s'appelait alors Rose découvre que ça lui plaît de monnayer les touche-pipi. Pas tant pour l'appât du gain que pour l'excitation procurée. Et puis, elle est curieuse et des choses du sexe en particulier «c'est comme ça, elle ne sait pas d'où ça lui vient». Et cette curiosité est insatiable. A 70 ans, elle s'amuse à retourner sur le trottoir , parce que les vieilles « ça excite ».
Le regard caché par une paire de lunettes flanquées de part et d'autre d'un flamant rose et d'un palmier, Aglaée déambule parmi les spectateurs.Nous sommes assis sur des tabourets, des tubes néons à la verticale au dessus de la têtes, un cabaret un peu chic, un peu décalé. On croise le regard des voisin, sourires gênés ou pas, le dispositif élimine tout voyeurisme. La proximité avec l'actrice créée une complicité , une forme de familiarité rassurante. Elle se balade, un verre à la main, assume crânement des bras dont la chair a lâché, alors que nous reluquons ses jambes qu'elle a magnifiques. On est en confiance, et très vite amoureux , rassurés par sa présence, sa gouaille et son humour . Aglaée précise qu'elle est une pute «pas une péripapéticienne, une prostituée : non, une pute». Elle appelle une queue, une queue ce qui n'empêche en rien le sentiment. Le sexe est un champ infini de possible tant qu' on a de l'imagination et de l'imagination, elle n'en manque pas. Vendre son corps ne lui paraît pas plus dégradant que d'être caissière à Carrefour. Elle le sait elle l'a expérimenté! C'est un métier comme un autre et elle est douée. Ce n'est pas le cas de tout le monde. Sa copine Catherine par exemple, "ça n'a pas marché". Un métier qui demande de l'humilité, de le compassion , une grande tolérance. Elle en connaît sur les hommes bien plus que bien des psychologues et elle sait, comme Marguerite Duras, qu'il faut beucouples aimer! Aglaée lit beaucoup. Voltaire, Freud, Dolto... Elle regrette d'avoir un fils et le répète avec tellement de conviction que l'on comprend combien cet enfant, devenu gendarme , elle y tient comme à la prunelle de ses beaux yeux. On pense à la vie et aux écrits d'une autre «pute » Grisélidis Real, on trouve la même humanité et la même revendication : Légaliser la prostitution pour empêcher le trafic. quand Aglaée dit que ses services devraient être remboursés par la sécu, on est bien d'accord.
Alors même qu'on est dans l'intimité la plus forte, le spectacle est d'une grande pudeur, porté haut par l'actrice Claude Degliame. L'actrice n'en est pas à son premier coup elle non plus , avec son complice le metteur en scène Jean-Michel Rabeux, depuis plus de 30 ans, ils renouvellent sans cesse l'écriture scénique. Ensemble ils portent sur les plateaux les écritures révoltées, bouillonnantes de Copi, Cendrars, Sade... Sans compromis, ils donnent à voir et à entendre la beauté des corps de chair et de sang.Pour notre plus grand bonheur de spectateur, ils vieillissent ensemble!
Jusqu'au 29 janvier au Théâtre du Rond-Point à Paris
Les 4 et 5 mai au Bateau-Feu- Scène Nationale de Dunkerque