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Billet de blog 28 février 2011

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Correspondances

Il est de ces films qui sont des aventures humaines qui emballent nos cœurs de spectateurs, « Correspondances », le film de Laurence Petit Jouvet en fait partie.

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Il est de ces films qui sont des aventures humaines qui emballent nos cœurs de spectateurs, « Correspondances », le film de Laurence Petit Jouvet en fait partie. Le film est né d’un atelier d’écriture audiovisuelle avec treize femmes maliennes ou d’origine malienne vivant à Montreuil en France et à Bamako et Kayes au Mali autour de la thématique du travail. Ce qui aurait pu devenir un projet social intéressant est devenu un film étonnant. Porteur d’une grande émotion, inventif sur le plan esthétique, il est aussi une expérience originale du collectif. Très vite Madame Laurence comme l’appellent les « correspondantes » est devenue « l’accoucheuse » des paroles de ces femmes qui n’avaient jusqu’alors jamais osé ou tout simplement imaginé plonger dans leur intimité pour dire leurs souffrances, leurs désirs, leurs aspirations, leurs regrets. Les femmes qui ont participé à l’aventure ont écrit des lettres à des destinataires imaginaires ou réels. Il y a celles qui sont en France à la faveur des regroupements familiaux et qui n’ont pas réellement choisi. Il y a celles qui sont venues poussées par des raisons économiques comme cette femme sans papiers qui s’occupe des enfants d’une famille française alors qu’elle a été obligée de laisser ses enfants au Mali. Il y a les filles et petites filles des migrantes qui ont la nationalité française et se trouvent confrontées au double handicap « d’être noire et femme’ comme l’écrit dans sa lettre Oumy cadre supérieure. Briser le fameux « plafond de verre » est une mission qu’elle veut croire possible, elle ne se résout pas à partir au Etats-Unis comme le lui conseillent ses amis. Il y a Djangou étudiante infirmière qui revendique la possibilité de choisir sa vie et déçoit du même coup les aspirations de sa mère ... Le parcours de chacune d’elle fait résonance et l’on se dit très vite que le combat des femmes pour l’égalité est loin d’être terminé. Chaque lettre est lue et mise en scène le quotidien des protagonistes. Le film nous entraîne dans la grisaille d’interminables trajets d’une femme de ménage : bus, RER, métro, des couloirs transparents des tours de la Défense, à une école maternelle de la banlieue puis dans la chaleur d’un marché de Kayes…. Il nous fait voyager de Montreuil à Bamako laissant dans les valises tous les préjugés, déplace les perceptions, les angles de vue, montre à quel point l’accueil que fait une société à ses migrants favorise le repli sur soi et les fige dans des valeurs qui ne sont plus en phases avec le pays d’origine, à l’instar des mariages forcés sont interdits au Mali et perdurent dans la diaspora en France. Hawa qui vit à Montreuil depuis les années 70 écrit :« quand on pose ses valises ici, on sort des valeurs morales qui ne sont plus d’actualité là-bas, on s’y accroche parce que l’on a rien d’autre ». Dans le soleil couchant de Bamako, Virginie, chevauche son scooter telle un reine dans le flot des motos et voitures. Elle roule vers les studios de radio Bamako où elle travaille et l’on entend en off une chanson qu’elle a spécialement composée pour le film. Il faut souligner au passage le remarquable travail sonore de Martin Wheeler qui s’est entouré pour la création musicale de deux figures majeures de la musique au Mali : Yacouba Sissoko à la cora et Tata Bambo Kouyaté grande griotte dont l’une des chansons à permis d’abolir la loi sur le mariage arrangé.

« Correspondances » est un hymne à la vie, un film généreux qui réchauffe les salles où il est projeté.

Sortie le 2 mars 2011

Liste des salles en France

http://www.filmsduparadoxe.com/progcorrespondances.html

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