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Billet de blog 30 janvier 2010

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Les Ensorcelés par la mort

«Les ensorcelés par la mort» ce sont un homme de quatre vingt ans, et deux femmes d'une cinquantaine d'années dont la vie a basculé à la chute l'empire soviétique. Ils ont grandi dans « l'empire du mal ». Leur mère : la patrie, leur amour : le parti.

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Illustration 1

«Les ensorcelés par la mort» ce sont un homme de quatre vingt ans, et deux femmes d'une cinquantaine d'années dont la vie a basculé à la chute l'empire soviétique. Ils ont grandi dans « l'empire du mal ». Leur mère : la patrie, leur amour : le parti. Une mère qui les nourrit à coup de plans quinquennaux, qui endort leur faim et leurs souffrances avec pour berceuses les chants révolutionnaires. Un amour pour lequel on peut tuer et mourir, endurer les pires souffrances. Ils ont connu les camps, la délation, ils ont été victimes et bourreaux d'un régime de terreur. Ils ont tout enduré sans ciller, persuadés d'être les pionniers d'un monde qui serait celui de la justice de l'égalité . Ils ont voulu mourir plutôt que de survivre à la chute de leur idéal, ont raté leur suicide, constatent que la vie est la plus forte, si ça n'avait pas été le cas, ils auraient d'ailleurs dû mourir cent fois déjà ! Aujourd'hui leurs enfants et petits enfants leur crachent à la gueule leur servitude et leur aveuglément, rappent la haine de leur héritage, chantent l'hymne soviétique pour laquelle leurs parents se tenaient fièrement debout , comme une chanson à boire. Ils ne demandent aucune indulgence, ne renient aucun faits, hébétés ils tentent de nous dire comment une vie de souffrance, d'abnégation, de sacrifices est finalement plus supportable qu'une vie sans espoir. L'auteur Svetiana Alexievitch écrit des livres documentaires, elle puise dans les récits d'hommes et de femmes son matériau. De son ancien métier de journaliste elle garde l'interview comme matière du récit. « Je n'invente pas, j'organise la matière qui me fournit la réalité. J'écris, je note l'histoire contemporaine au quotidien » . « Loin d'une dénonciation type le livre noir du communisme « Les ensorcelés de la mort » parle à hauteur d'homme. Nicolas Struve qui signe là sa seconde mise en scène fait une formidable adaptation du roman. D'origine russe, il est né en France et n'a pas connu l'URSS , mais avec ce spectacle il rend hommage ceux qu'il appelle « ses cousins » d'union soviétique. C'est lui qui pose le décor noir et blanc, un fauteuil, une chaise, un tapis, placé sous le signe de la grande ours. Il glisse un clin d'œil complice aux spectateurs. Trois magnifiques acteurs, Bernard Waver, Stéphanie Schwartzbrod, Christine Nissim, incarnent sans jamais verser dans un psychologisme larmoyant Margarita, Anna, Vassili. Ils forcent le respect pour ces hommes et ces femmes dont les vies nous renvoient en plein cœur à des questions aussi essentielles que le sens que nous lui donnons. « Eux croyaient en un avenir meilleur et nous, au nom de quoi avons nous renoncé ? A quoi tenons-nous. A quoi tiennent nos vies ? » Sur scène les étoiles de la grande ours sont devenues rouges.

Les ensorcelés de la mort

Jusqu'au 19 février au Nouveau Théâtre de Montreuil

01 48 70 48 90

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