Un texte original de l'économiste Cédric Durand, présentant son livre Le capitalisme est-il indépas- sable ?, qui participe des 4 premiers titres de la collection « Petite Encyclopédie Critique » des éditions Textuel...
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La vingtaine d'année qui vient de s'écouler a vu s'opérer quatre grands basculements. 1/ la force propulsive des révolutions communistes du XXème siècle semble épuisée, les pouvoirs s'en réclamant se sont écroulés comme des châteaux de cartes ou sont entrés dans une normalisation progressive leur permettant de réintégrer les circuits cette fois véritablement mondialisés du capital ; 2/ plus de deux siècles de domination occidentale sans partage sont en train de prendre fin avec le rattrapage économique engagé par la Chine et les marges d'autonomie acquises par les grands émergents; 3/ l'économie mondiale s'est contractée pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale, symptôme d'une crise de laquelle nous sommes loin d'être sortis ; 4/ hier
Reste cependant un acquis : la dissidence s'insinue et réinstaure le doute. L'hégémonie idéologique fissurée par les résistances va être emportée par la dynamique propre au capitalisme : la crise et son cortège de dévastations sociales. La prise de conscience de l'ampleur des destructions écologiques et l'incapacité des structures de pouvoir à y faire face aiguisent la défiance. Via la question de la justice climatique, les mouvements sociaux internationaux trouvent un nouveau souffle. Foin de régulation, la critique porte plus directement sur la logique du système. Signe des temps, un autre peut de nouveau être nommé. Tandis qu'à Londres et à Paris des colloques sur le communisme rassemblent des centaines de personnes, à Porto Alegre le géographe David Harvey, écartant toute régression stalinienne, proclame : « un autre communisme est possible » ! En Amérique latine une gauche au pouvoir ambitionne d'inventer le socialisme du XXIème siècle et les communautés indigènes proposent le concept de « bien vivir » pour articuler émancipation humaine et respect de la « pacha mama ». Cristallisant un esprit libertaire, les pirates brisent sur le web les enclosures de la propriété intellectuelle et sabotent les dispositifs liberticides qui les défendent.
Au goulag « la cuiller trouve toujours la bouche », mais en politique il y a parfois loin de l'idée émancipatrice aux réalisations. C'est un des bilans tragiques du XXème siècle qui informe la démarche engagée dans mon ouvrage. Consommateur vorace de la biosphère, fossoyeur de ses « autres », ivrogne trébuchant sur ses excès, capitalisme qui es tu ? L'ennemi certes, mais encore ? Quelles sont les institutions derrière la passion de l'accumulation ? Quelles sont les lames de fonds sous les vagues de la conjoncture ? Quels sont les fétiches qui dissimulent la violence de la main invisible ? La révolte n'a nul besoin de ces questions. Mais, ce n'est qu'à condition de s'en saisir qu'un projet peut trouver les médiations institutionnelles permettant aux aspirations émancipatrices de s'incarner. Plus immédiatement, c'est aussi à cette condition que des stratégies de luttes peuvent être élaborées et produire des victoires. Le livre est ainsi à double emploi : d'un côté, dissection de l'adversaire comme préalable au travail d'imagination de l'émancipation ; d'un autre côté ; mise à nue de ses rouages afin d'offrir des prises aux luttes sociales, intellectuelles et politiques.
Cédric Durand est l'auteur de Le capitalisme est-il indépassable ? (éditions Textuel, collection « Petite Encyclopédie Critique », 144 pages, 9,90 euros, février 2010). C'est un jeune économiste, Maître de conférences à l'Université de Paris 13. Il participe à l'animation de la revue Contretemps web et est membre du Nouveau Parti Anticapitaliste.
Pour faire venir l'auteur pour un débat (dans une librairie, un cadre militant ou autre), contacter Eve Bourgois aux éditions Textuel <eve.bourgois@editionstextuel.com>.