A un jet de pierre, deux monuments abritant deux expositions qui n’ont a priori rien à voir : Garry Winogrand au Jeu de Paume et Niki de Saint-Phalle au Grand Palais. Tout est à voir …
Garry Winogrand, street photographer de génie, photographiait de façon compulsive avec un admirable sens du détail, de la situation, la complexité comme la banalité ou les bizarreries de la vie urbaine. La rue est un théâtre où tout est possible et sujet à faire image.
Ainsi, de Manhattan à Paris, en passant par Dallas, Los Angeles ou Londres, dans un rapide mouvement photographique où se conjuguent l’improviste, la fluidité, l’appétit, l’énergie et surtout un formidable instinct, Winogrand a réalisé plus de 100 000 images. Pour un photographe de l’ère argentique, c’est beaucoup…
… Mais c’est sans doute peu pour un capteur d’images numériques !
Ce qui m’amène au récit de l’expérience vécue lors de la visite, au Grand Palais, de l’exposition consacrée à Niki de Saint-Phalle. L’artiste est admirable, son travail souvent joyeux, ingénieux et très varié. Des personnages (plutôt des femmes, d’horribles mères, de fatales mariées), des objets (dans un esprit à la Duchamp), des bijoux même… Beaucoup de monde se presse autour de toutes ces créations, non pas pour les voir, mais d’abord pour photographier, absolument tout photographier ! D’où ce spectacle, un peu surréaliste, dans chaque salle, de dizaines d’écrans allumés, tenus à bout de bras comme, lorsque, dans les concerts de jadis, on allumait nos briquets en guise d’hommage et de communion avec l’artiste… Et les images s’ajoutent aux images, le spectateur ne semble jamais lassé de déclencher, jamais tenté de faire une pause pour juste… regarder.
Non, le regard, la visite en somme, n’aura pas lieu sur place. Elle se fera plus tard, (peut-être jamais) quand l’individu, dans le métro ou ailleurs (dans un moment « vide »), rapidement, balayera l’écran de son portable pour passer d’une image à l’autre.
Est-ce cela voir ?
Est-ce cela photographier ?