Personne ne contestera que le champ de la photographie dite « anonyme », qui grimpe dans les enchères depuis quelques années, recèle des chefs d’œuvres.
Pour les non initiées, un anonyme est, en l’occurrence, d’abord quelqu’un (un photographe) qui, pour des raisons qui lui sont propres, n’a pas revendiqué de droit ou cherché à être reconnu comme photographe. Cette personne est souvent, hélas pour elle, « tombée dans l’oubli ». Une Vivian Maier, dont tous les medias s’accordent à vanter le talent (incontestable à mes yeux), est, elle, tombée sur un vrai mordu, qui a mis toute son énergie (et son argent) pour qu’elle soit reconnue… comme photographe. Sans jeter le discrédit sur d’autres dénicheurs de trouvailles, peut-être moins mordus mais néanmoins scrupuleux dans leurs recherches de levées d’anonymat, on peut néanmoins s’interroger sur la pertinence de tout ce trafic…
Ainsi, des perles, qui traînent leur absence d’état civil dans les bacs des brocanteurs, pour les chineurs à l’ancienne, ou dans les paniers virtuels de nombreux sites, déboulent sur le marché de la photographie. Et nos chercheurs, galeristes, marchands… voire artistes (plasticiens) d’en faire leur miel. Il y a même de prestigieuses institutions pour les acquérir à prix fort. Nombreux sont ceux qui semblent y trouver honnêtement leur intérêt.
Mais quel intérêt pour la photographie ?
Est-ce vraiment, ainsi que le théorisent les psychanalystes, des « situations » qui permettent de susciter des « fantasmes sur des vies alternatives » (Serge Tisseron), de réveiller les énigmes qui nous taraudent ou de titiller le punctum cher à Roland Barthes ? Sans doute. Des soupapes, en quelque sorte…
Je pencherais pour de plus modestes contributions à l’humanité. Tout a été fait (ou presque), semble-t-il, en photographie. La photographie anonyme, amateur, vernaculaire est donc « simplement » une mine, un nouveau filon pour permettre la découverte de nouveaux chemins visuels.
Nouveaux ? Mais faut-il encore « inventer » d’autres images ? Je traitais, dans un billet précédent, de la compulsion en photographie. Cette intense quête de la pépite visuelle orpheline relève peut-être du même travers.