Comme sans doute bien des photographes, je suis progressivement passée de l’argentique au numérique. C’est quand même bien pratique. Ayant une certaine anxiété quant à la possibilité que l’image s’évapore sur un malheureux clic, je fais cependant régulièrement tirer les images auxquelles je tiens. L’acte photographique en lui-même ne diffère guère, les appareils reflex que j’utilise me donnent plus ou moins les mêmes sensations et les mêmes possibilités…
Toutefois, lorsque je reprends, sous une impulsion ou des raisons plus étayées, mon appareil argentique, je suis toujours surprise et je mesure la différence qu’il y a à pratiquer avec telle ou telle technique. Ce que je ressens, à chaque fois, c’est l’image qui reste cachée, dans le secret du boitier argentique, et que je ne peux, dans le fond, qu’imaginer…
Le « silence » de la pratique argentique me paraît bienfaiteur. Car chaque séquence, chaque séance de photographie est comme un voyage. Une image en suscite une autre, puis une autre, puis encore une autre. Et je n’ai nul besoin de voir, sur un écran LCD au dos de mon appareil, pour savoir… si je « tiens » mon image, ou si je dois poursuivre, attendre, modifier mon cadre, ma composition, etc. Je dirais même que c’est parce que je ne vois pas ce que j’ai fait que je peux vraiment continuer à travailler. J’ai la conviction qu’il faut faire des images, faire de « mauvaises » images pour parvenir à la « bonne » image, celle que je cherche, celle que je trouve après avoir bien divagué…
En ce sens la pratique photographique est toujours un chemin qu’il faut accepter de parcourir. Sans possibilité de vérification de l’image obtenue, je reste en prise directe, immédiate avec le réel. J’irais jusqu’à dire que mon travail s’en trouve peut-être facilité, dans la mesure où l’appareil argentique, muet, ôte en moi une certaine forme de censure !