Au club du café Baltho, derrière le rideau vert, se rencontrent toutes les solitudes. Celle de Michel, témoin imprévu, qui tente la grande traversée de l’adolescence en préparant son bac à coups de parties de babyfoot, d’échecs ou de clichés photos sur fond de rock’n’roll, pour conjurer le clivage de sa famille entre une droite issue du Pétainisme, à peine honteuse, et une gauche dopée par l’héritage de la résistance et du communisme triomphant sur les cadavres du Stalinisme. Des solitudes dans une France rongée par les règlements de comptes, la guerre d’Algérie et la guerre froide. Des déracinés comme Sacha, Igor, Dimitri ou Victor, pères, fils, frères, amants ou maris, des hommes qui ne se retournent plus de peur d’en mourir.
Ni héros, ni salauds, des hommes perdus, exilés, sacrifiés, en recherche de fraternité plutôt que d’amour qui fait tant souffrir, et s’en remettent aux comètes, au hasard ou à l’alcool pour convoquer l’espérance.
Il ne faut pas s’y fier, Jean-Michel Guénassia donne de ces années-là, une incorrigible vision pessimiste, malgré le titre de son roman, de quoi calmer les historiens les plus enthousiastes des Trente Glorieuses. Derrière l’anecdote de la DS 19 Prestige se profile une autobiographie minutieuse bien sombre où les femmes finissent toujours par disparaitre.
« Et toi tu t’en tires en laissant en arrière
Ceux à côté desquels ta vie aura coulé :
C’est là le premier coup qui frappe l’exilé. »
DANTE, Le Paradis, chant XVII
Ainsi s’achève ce premier roman qui se laisse volontiers dévorer comme une vie, celle de Michel.
Le club des Incorrigibles Optimistes, Jean-Michel GUENASSIA, Albin Michel, déc 2009, 758p, 23,90 euros