Je n’étonnerai plus personne en affirmant une fois encore que les séries télé américaines ne sont pas ma tasse de thé. Certaines, qui en sont fans, s’offusquent même de la détestation que j’affiche pour le Dr House.
Alors je vais vous surprendre. J’ai adoré le bouquin que commit, en 1996 déjà, Hugh Laurie. Qui c’est, Hugh Laurie? diront d’aucuns qui ne lisent jamais les génériques des séries télé américaines, et comme je les comprends! Mais si, voyons, vous connaissez Hugh Laurie. C’est l’acteur anglais qui prête sa voix cassée, sa barbe de trois ou quatre jours et sa claudication feinte au fameux Dr House.

The Gun Seller (en français, Tout est sous contrôle) n’est sorti chez nous qu’en 2009 (Sonatine Editions)... grâce au succès bien sûr de la série télé, dont on pourra – pour une fois – se féliciter. Thriller s’appuyant sur une intrigue touffue et captivante, le livre de Hugh Laurie ajoute à un suspense digne des plus grands maîtres du genre un ingrédient très particulier, un humour décapant.

Le monde entier en prend plein la figure. Les Etats-Unis bien sûr, leurs hommes politiques, leurs groupes industriels, le Pentagone. Les British aussi, et leurs fonctionnaires surtout. Les nouveaux pays de l’Est européen et même les Suisses! Sans oublier les diplomates de partout. Pas les Français? Mais si, mais si, à propos de tant de travers!
Les coups pleuvent si dru (dans tous les sens de l’expression) que le critique du Washington Post, cité en quatrième de couverture, n’hésite pas à avancer: «Hugh Laurie crée un genre nouveau, le réalisme sarcastique, avec ce thriller (...) qui fait hurler de rire».
Ancien militaire, impliqué dans des opérations de maintien de l’ordre en Irlande du Nord – donc pro de la castagne, avec ou sans armes – Thomas Lang, le héros de Laurie et le narrateur de l’histoire, se retrouve plongé dès la première ligne du roman dans un méli-mélo très, très compliqué. On lui a proposé 100000 dollars pour tuer un industriel américain. Non seulement il a refusé l’offre, mais il va pousser l’inconscience jusqu’à se présenter au domicile londonien de la victime désignée, pour prévenir cet homme du danger qu’il court. A partir de là, Thomas Lang semble ne plus rien contrôler du tout, quoi qu’en dise le titre. Mais, vaille que vaille, il réussira à traverser l’imbroglio sans trop y laisser de plumes... même s'il est obligé, du fait des méandres complexes de l'intrigue, d'endosser des rôles aussi dangereux que ceux de sniper et de terroriste!
Les balades dans divers pays d’Europe et d’Afrique du Nord se succèdent. Thomas Lang n’ira pas jusqu’aux Etats-Unis, mais vous n’y perdrez rien; il fréquentera assidument les Américains des ambassades et des consulats. Une certaine catégorie d’Américains...
Autant d’étapes à travers deux continents pour écorner l’image des uns et des autres, avec ce mauvais esprit qui, décidément, caractérise le bonhomme, qu’il s’appelle Dr House, ou Thomas Lang, ou Hugh Laurie.
De ce mauvais esprit, je vous propose deux exemples. Le premier nous concerne.
J’apprécie tout particulièrement chez Hugh Laurie ce sempiternel côté pince-sans-rire qui l’amène à écrire des phrases très sérieuses, avec les cinq ou six derniers mots desquelles il vous déstabilise, en vous faisant aussitôt éclater de rire.
Les Français étaient venus au Maroc construire des routes, des chemins de fer, des hôpitaux, des écoles, et sensibiliser l’opinion à la mode vestimentaire. Toutes choses selon eux indispensables dans un pays civilisé. Lorsque sonnaient cinq heures de l’après-midi, qu’ils regardaient leur ouvrage et le trouvaient beau, ils pensaient avoir acquis le droit de vivre comme des maharajas. Ce qu’ils ont fait pendant un certain temps.
Quand, cependant, l’Algérie voisine leur a explosé à la figure, ils ont bien voulu comprendre qu’il vaut parfois mieux s’en aller qu’en demander encore...
Vous souhaitez vous faire une opinion sur les diplomates qui occupent alors les palaces abandonnés par les Français?
Dans chaque ville importante de chaque pays du monde, les diplomates résident dans les quartiers les plus chers et les plus enviables. Hôtels particuliers, châteaux, palaces, humbles chaumières de quarante pièces avec réserves animalières attenantes – où que ce soit, le corps diplomatique visite, inspecte et déclare : «Oh oui, je devrais pouvoir supporter ça».
Si vous aimez, Hugh Laurie vous en offre 380 pages du même tonneau. Vous devriez pouvoir supporter aussi.
Hugh Laurie, Tout est sous contrôle, Sonatine Editions, 2009, 382 p., 21 €