Billet de blog 29 août 2014

françois périgny
Abonné·e de Mediapart

Une robe, des corps.

françois périgny
Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

                La femme courait dans sa direction.

                 Martti avait fait le rêve bien des fois. La femme était sur le point de dire quelque chose, Martti était tout près de comprendre. Il n'avait jamais le temps d'entendre ce qu'elle avait à lui annoncer, et se réveillait toujours avant que la lumière se fasse en lui.

 De nouveau il s'éveilla. Son regard tomba sur le cadran du réveil posé sur la table de nuit. 1h20

Elsa dormait auprès de lui.

   Elsa va mourir. C'est très proche, Elsa le sait, tout le monde le sait. Eeva est morte. Mais est-elle morte ? Elle est partie rejoindre le silence des poissons. Ils vont tous mourir, chacun en son temps. Mais est-ce leur temps ? Nous allons tous mourir. Et alors ? Alors On peut supporter tous les chagrins s'ils font partie d'une histoire ou si l'on en écrit une à leur sujet. (Isak Dinesen (Karen Blixen, citée en exergue par Riikka Pulkkinen). Et cette histoire-ci est écrite de l'intérieur même de la vie d'Anna, la petite fille d'Elsa, la fille d'Ella, la fille putative d'Eeva. Et cette histoire est écrite, de tout son corps, âme, esprit, intelligence, art de Riikka, sensible sans sensiblerie. Une histoire de femmes ? Non, une histoire universelle, une histoire où je me retrouve, dans les méandres du temps et des autres. C'est à dire, aussi, les miens, explorés par une autre.

   On ne résume pas un tel livre, c'est à peine si on peut le subsumer. Un roman ? A novel, conviendrait mieux, en ce que ce mot anglais évoque quelque chose du fin' amor des trobadors. Quelque chose, en tout cas, qui touche en nous, en chacun de nous, quelque chose d'oublié au fond d'une armoire, un cadavre, un fantôme, quelque chose que la douleur nous a fait oublier. La mort solitaire d'un être qui fut plein de vie, mais que l'on a écarté de son chemin. Destins impénétrables (rois secoués par la folie / Et ces grelottantes étoiles / De fausses femmes dans vos lits G.A.)

Une histoire de femmes ? Non. L'homme, Martti, y est central. Il n'y est pas mauvais. Il est sensible, gentil, fort et faible, un artiste reconnu en Finlande, et un artiste respectable : il a une morale. Et il est, l'homme objet de désirs, nommé souvent, le plus souvent : l'homme.

  Un autre homme, cité en exergue, et qu'une des personnages taxera de machisme : Peut-être que je rêve debout.

Elle me fait penser à la musique.

Son visage...

On est arrivés à l'époque des hommes doubles.

On n'a plus besoin de miroir pour parler tout seul.

Quand Marianne dit "Il fait beau", à quoi elle pense ? D'elle je n'ai que cette apparence disant : "Il fait beau" Rien d'autre. À quoi bon expliquer ça ?  Nous sommes faits de rêves et les rêves sont faits de nous.

Il fait beau, mon amour, dans les rêves, les mots et la mort. Il fait beau, mon amour, il fait beau dans la vie. (Jean-luc Godard, Pierrot le fou, 1965)

Riikka Pulkkinen, L'armoire des robes oubliées (Totta), traduit du finnois par Claire Saint Germain, Albin Michel, 2012.

Exigez de votre bibliothéque qu'elle l'ait en son fonds et sur ses présentoirs, vous n'oublierez pas cette armoire. Ni une robe.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Bienvenue dans Le Club de Mediapart

Tout·e abonné·e à Mediapart dispose d’un blog et peut exercer sa liberté d’expression dans le respect de notre charte de participation.

Les textes ne sont ni validés, ni modérés en amont de leur publication.

Voir notre charte