Si le mot « tango » évoque pour vous de laborieux cours de danse de salon entre deux plantes en pot quasi-fossilisées sur le parquet d'une arrière-salle des fêtes de mairie, ou pire encore, une improbable boisson panachée de limonade et de grenadine trop sucrées, oubliez tout ce que vous en savez.
Placez Santa Milonga (à gauche) ou Maldito tango (à droite) dans votre lecteur de CD et laissez la magie opérer....
Quelques accords sourds de piano, le souffle d'une clarinette ou la caresse d'un violon, les larmes perlées du bandonéon, et cette voix au grain si particulier mi-rocailleux mi-gouailleur qui s'amuse à vous râper le cœur, un éclat de rire presque halluciné... Cela y est, vous êtes tombé sous le charme vénéneux de ce diable de Melingo, ex-rocker et réinventeur du tango, charmeur aux tempes argentées et voyou invétéré, qui, découvert par Eduardo Makaroff de Gotan Project, est depuis quelques années en train de faire un malheur.
Né en 1957, mêlant des ascendances grecque, arménienne, basque et italienne avec probablement aussi un zest d'Afrique – mélange qui n'a rien d'étonnant chez un Argentin grand teint –, Daniel Melingo a d'abord eu une formation classique au conservatoire de Buenos Aires avant de s'évader vers le reggae, le rock contestataire et le punk au fil de ses voyages et des accidents de la vie. Est-ce la nostalgie qui l'a fait, la quarantaine venue, revenir en fils prodigue vers le tango des origines ? Toujours est-il que les milongas, comme le tango des barrios (quartiers) vont comme un gant à ce ce dandy bohème au timbre grave et presque éraillé qu'on a comparé à celui d'un Tom Waits ou celui d'un Paolo Conte. C'est en lunfardo (l'argot des prisons devenu langue de la rue en Argentine) que Melingo a choisi de chanter ces sortes de poèmes brûlants des faubourgs, ces complaintes sociales souvent matinées de dérision mais toujours revêtues de panache et d'élégance bravache. Un chant parfois presque parlé, murmuré, puis soudain brandi, éclaté et d'une totale modernité même si, lorsqu'ils ne sont pas signés de lui, certains des textes ont été écrits par des poètes du début du XXe siècle (Enrique Cadicamo, Celedanio Flores, Luis Alposta, etc.).
Mais, homme de tous les contrastes, Melingo est aussi un jeteur de ponts, entre passé et futur, bien sûr, mais aussi entre underground et nostalgie, entre prière et hérésie, entre paroxysmes et minutie, entre noirceur et lumière, entre musique et théâtre, entre poème et folie, entre tous les continents, surtout, comme s'il réussissait le tour de force d'incarner à lui seul tous les paradoxes du « maudit tango » qui lui coule dans les veines et qu'il réinvente malgré tout. « Un coup de maître, qui tutoie le tragique sans jamais tomber dans le grandiloquent », écrivait Yannis Ruel (Mondomix) lors de la sortie de Maldito Tango (label Mañana).
Ecoutez Cha Digo, Pequeño paria ou En un bondi color de humo. Même si vous le pensiez jusque là ringard, vous verrez que le tango n'est pas mort. Au contraire. Il semble même qu'il ressuscite et s'offre une nouvelle jeunesse. Et fort à parier qu'il a de belles années devant lui encore. Melingo ou la renaissance du tango...
Prochains concerts :
- Le 17 juillet au Puy-en-Velay (Centre Pierre-Cardinal à 21h15).Le 18 juillet à Arles (Théâtre antique d'Arles à 21:30 heures).
- Le 25 juillet à Nice (Nuits du Sud à Vence, place du Grand-Jardin à 21 heures).
- Du 7 au 9 août à Saint-Brieuc (Festival du chant de marin de Paimpol, à 10 heures).
- Les 7 et 8 août à Saint-Nazaire (Les Escales, à 18 heures).