SUDS (avatar)

SUDS

Abonné·e de Mediapart

Billet publié dans

Édition

Plein Suds

Suivi par 103 abonnés

Billet de blog 6 juillet 2024

SUDS (avatar)

SUDS

Abonné·e de Mediapart

Préférence nationale : quels risques pour les musiques du monde ?

« La préférence nationale appliquée à la culture représente une menace pour l’expression de la diversité culturelle et une atteinte à la liberté de création et de programmation ». Interview de Stéphane Krasniewski, Directeur du Festival Les Suds à Arles

SUDS (avatar)

SUDS

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
Scène en Ville, Place Voltaire – Les Suds, à Arles 2023 © © Florent Gardin

Le Rassemblement National est à la porte du gouvernement, que risque de devenir un festival comme Les Suds ?

Le vote massif pour un parti d’extrême droite, dont les valeurs sont à l’opposé des nôtres, montre le fossé qui nous sépare d’une partie de la population. C’est un regret et une inquiétude, car lorsque les valeurs humanistes que sont l’hospitalité, le partage, l’égalité ne font plus consensus, comment faire société ? Un festival comme les Suds se veut le plus rassembleur, le plus inclusif possible, cette situation nous place donc face à nos limites et à un grand défi.

Celui de continuer à faire résonner la diversité culturelle, dans un pays tenté par le repli, où les atteintes à la liberté d’expression du fait de groupuscules identitaires et d’extrême droite se sont multipliés depuis quelques années, atteintes qui conduisent de facto à une forme d’autocensure des programmateurs, alors enfin que les moyens publics alloués à des programmations ouvertes pourraient se réduire. Le risque est donc que l’offre culturelle s’uniformise en réduisant les espaces pour certaines thématiques et certaines esthétiques.

Tu peux développer ?

Le Rassemblement National a une vision de la Culture figée, pour ne pas dire pétrifiée. Il veut protéger « la Culture nationale » des influences extérieures et des évolutions sociétales. S’il n’a jamais eu l’occasion de se prononcer sur ces sujets au niveau national, dans les assemblées territoriales où siègent ses élus, ceux-ci s’opposent systématiquement au soutien public à des créations qui traitent de la question du genre, à des programmations à destination de publics communautaires, et c’est sans parler du rap ! 

Pour les musiques du monde ?

Le premier risque c’est la restriction de la mobilité, par des obstacles à l’obtention des visas déjà très difficiles à obtenir selon les pays d’origine. Ensuite, la restriction des moyens consacrés à la création et à la diffusion des musiques du monde ajoutée au risque d’autocensure peuvent fragiliser la filière, l’économie des tournées... Enfin, la préférence nationale appliquée à la Culture représente une menace pour la diversité culturelle et une atteinte à la liberté de création et de programmation.

Or, depuis 2016, il existe en France une loi (loi LCAP) qui vise à protéger et garantir ces libertés considérées depuis lors comme fondamentales, même si la loi sur le séparatisme de 2020, en rendant le Contrat d’engagement Républicain obligatoire pour toute association sollicitant une subvention, permet d’y déroger. Ainsi, nous avons vu récemment l’Etat s’opposer à des collectivités sur l’interprétation de ce Contrat et des valeurs républicaines qui le sous-tende. Qu’en sera-t-il demain si le Rassemblement National accède au pouvoir ? On lui a fabriqué un outil prêt à l’emploi pour lutter contre la liberté d’expression ! 


Nous avons des exemples en Europe, comme celui de la Hongrie où il existe maintenant des artistes d’état et, donc, par extension une culture d’état qui rappelle que ce domaine a toujours été un enjeu pour les gouvernements autoritaires.

Il est de notre responsabilité de résister à ce mouvement, et de continuer à promouvoir l’altérité et la diversité par la rencontre avec toutes les musiques du monde. C’est l’esprit des Suds, le combat continue.

Propos recueillis par Anselme Koba.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.