Arles est là. Ville de pierre au pli d'un coude du Rhône, avant qu'il ne s'égaye en milliers d'étangs, rizières, marais, marécages, trous d'eau, marées, mas, manades, chevaux, taureaux, flamands, échassiers fantastiques, insectes inconnus du Museum. Arles est là, juchée sur sa colline, glissant par les ruelles de l'église de la Major où les gardians font bénir leur monture lors des processions aux arènes romaines devenues plaza de toro, au gradins du Théâtre antique et à ses deux colonnes dressées, aboutit au boulevard des Lices qui coupe la ville en deux. D'un coté la cité patrimoniale, aux vieilles pierres; de l'autre la ville qui vit. Au un bout du boulevard les friches industrielles, anciens ateliers occupés par la SNCF, promis à devenir un havre de l'image avec la future fondation Luma, énorme boîte d'aluminium écrasée imaginée par l'architecte du Guggenheim de Bilbao, Frank Gehry. A l'autre, passé le quartier gitan de La Roquette, au bout d'un ovale pelé qui fut l'hippodrome antique, le cube bleu du musée de l'Arles antique.
C'est dans ce tout petit triangle que se pressent les festivaliers, masse curieuse, joyeuse, énergique, suante, sortant en plein soleil, cherchant l'ombre d'un platane, le réconfort d'une terrasse. Fin d'après-midi, donc, bords du Rhône, public accablé par la chaleur de juillet. Indolent peut-être. Se traîne péniblement de la table du café à l'estrade devant la scène. Se serre dans un petit coin d'ombre. En face, sous les parasols, Babaté Orchestra. Un drôle d'attelage né du tournage d'un film Lili et le baobab (Chantal Richard, 2006), dont Jean-Marc Zelwer composait la musique sur laquelle le chanteur sénégalais Woz Kaly vocalisait. Cette voix justement tire le touriste de sa torpeur festivale et l'accompagne doucement jusqu'à la fin d'après-midi, au soleil obstiné, avec une pointe d'air qui se lève. Minuscule.