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Billet de blog 13 juillet 2010

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White griot

Un petit homme à la gare d'Avignon, cheveux blancs, pantalon de toile claire, panama. De faux airs de papy cubain égaré du Buena Vista Social Club. Mais un teint trop clair pour avoir supporté le soleil caraïbe. Et ce T-shirt rose, qui porte haut son slogan: «Heureusement que je suis albinos». Salif Keita descend du train.

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Un petit homme à la gare d'Avignon, cheveux blancs, pantalon de toile claire, panama. De faux airs de papy cubain égaré du Buena Vista Social Club. Mais un teint trop clair pour avoir supporté le soleil caraïbe. Et ce T-shirt rose, qui porte haut son slogan: «Heureusement que je suis albinos». Salif Keita descend du train.
On le dit descendant du puissant Soundjata Keita, fondateur de l'empire mandigue au XIIIe siècle. Il est au contraire ce que beaucoup considère comme l'être le plus néfaste d'Afrique: peau pâle, yeux clairs, un albinos. Au Burundi et en Tanzanie, on a encore retrouvé voici deux ans les corps démembrés d'enfants albinos, suspect d'être touchés par une obscure malédiction. C'est pour lutter contre ces préjugés que Salif Keita a fondé en 1990, à Montreuil SOS Albinos, puis en 2001 à Bamako la fondation qui porte son nom et travaille chaque jour sur le terrain à faire évoluer les mentalités.

«Je suis un noir/ ma peau est blanche/ et j'aime ça/ c'est la différence qui est jolie» scande-t-il dans la chanson titre de son dernier album La Différence. Sorti en novembre 2009 au Mali, il a connu un beau succès là-bas, ce qui lui donne quelques raisons d'espérer.
Salif est un double paria, car il est donc un Keita, voué par ses origine à être agriculteur ou guerrier, même dans son village de Djoliba, sur les rives du fleuve Niger. La musique, c'est bon pour les aux griots, pour la Sissoko, pour les Kouyaté. A 18 ans, il part à Bamako, chante dans les mariages et les baptêmes, se retrouve en 1970 dans l'orchestre du buffet de la gare de la capitale malienne, avant de connaître un premier succès avec son groupe Les Ambassadeurs.

Quarante ans plus tard, c'est toujours sur scène qu'il retrouve vie. Béret vissé sur le crâne, pantalon à franges, le petit homme fatigué croisé à Avignon bondit maintenant comme un marsupilami en pleine nuit dans le théâtre antique. Il chante, il danse, il tient le concert deux heures d'affilée. Peut-être ne se hasarde-t-il plus dans des aigus périlleux, mais il montre encore, à 60 ans passés un formidable énergie et répand une joie contagieuse qui prend dans la fosse, monte dans les gradins, se diffuse dans les coursives. Prend la foule jusqu'au tabac de ce dernier rappel.

[Avertissement: le son de la vidéo, enregistrée un peu trop près des caissons de basse, sature à plusieurs moment.]

Arte Live Web diffuse une sélection de 22 minutes de ce concert, à voir ci-dessous: