Une nuit des fleuves entre le Rhône et le Mississipi, la tournée d’adieux de l’Orquesta Buena Vista social club, des after aux forges toujours plus endiablés… La vingtième édition propose autant de surprises que de valeurs sûres. En deux décennies, la formule lancée en1996 par Marie José Justamond a trouvé son équilibre et navigue à contre-courant de la morosité, bravant encore et toujours l’austérité. Une semaine de juillet enflamme la ville, ainsi que des actions à l’année dans le milieu scolaire autour de l’histoire et la pratique de la musique et de la danse. Militant dans son ADN, il débute par des questions d’actualité : Edwy Plenel de Médiapart ponctuera ce lundi avec « Nos causes communes » en ces temps où la guerre des identités menace la France plurielle post-attentats de janvier. Dès le matin, la question qui tue : «la crise est-elle un business plan pour les banques ? », précèdera le film de Monique Robin « Sacrée croissance » et la présentation de solutions locales et solidaires telles que la monnaie Provensol imaginée par Hannes Lammler et commentée par Isabelle Bourboulon, d’Attac, auteure du « Livre noir des banques ». Ou quand le festival qui donne à connaître la culture de l’autre explore de nouvelles routes pour la société.
Sous le signe de la générosité, les Suds est l’une des vitrines les plus en vue dans le circuit des artistes émergents et consacrés des musiques du monde. Durant la semaine de juillet, la programmation allie les stars qui remplissent le théâtre antique avec les découvertes de classe internationale lors des Moments Précieux et des after aux Forges. Pendant les heures chaudes, les apéros-découvertes, siestes musicales et scènes en ville invitent les curieux et les touristes à se familiariser gratuitement avec les musiques « d’inspiration patrimoniale ». Festif, convivial et porté sur l’excellence, le savant mélange a été classé dans le top 25 du magazine britannique Songlines des meilleurs festivals de World music.
Meilleur exemple d’éducation populaire la radio éphémère émet pendant les 18h quotidiennes du festival et propose des directs, animés par le rédacteur en chef du fanzine de référence Mondomix Benjamin Minimum. Avec en prime cette année le coup de cœur du journal local et tout aussi éphémère le gai savoir dont on ne sait jamais s’ils referont surface l’année prochaine. Irriguées par la veine sociale et l’éducation permanente, les émissions réalisées et présentées par Antoine Chao et son équipe permettent à des des primo-arrivants et des jeunes issus des quartiers à se familiariser avec les rudiments du journalisme.
Le rendez-vous, qui compte 60 000 spectateurs en une semaine, est prisé par les secteurs associatif et culturel : les stages et masterclass sont de réels atouts dans les parcours professionnels. Sociétal, social, ce festival est aussi le plus rentable en terme d’« attractivité territoriale » selon l’étude de publics menée en 2012 par l’universitaire Emmanuel Négrier en région PACA : Pour un euro investi, 9 euros vont à l’économie locale grâce aux stages et aux pass, qui font rester les festivaliers pendant la semaine entière. Dernière clé de cet équilibre qui reste fragile, les nombreux bénévoles qui n’hésitent pas à donner de leur temps et de leur sueur à l’évènement. Les membres de la rédaction de l’Optimiste, dont le site sera lancé dans la foulée du festival, mettent avec eux le cap : plein Suds !
Sébastien Besatti / L'optimiste pour Les Suds, à Arles