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Billet de blog 15 juillet 2023

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Raül Refree : « Je suis au service d’une production d’émotions. »

Raül Fernández Miró, alias Raül Refree, est né à Barcelone un an après la mort de Franco, quand l'Espagne sortait tout juste de la gangue de l’ombre noire. Il était en duo avec la chanteuse malienne Rokia Koné mercredi dernier dans la cour de l’Archevêché. Nous l’avons rencontré à quelques minutes du concert.

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Illustration 1
© Yann Etienne

Refree est guitariste, claviériste, musicien, compositeur, arrangeur, producteur. « Je veux tout faire même si je n’ai pas le temps. Est-ce nécessaire de se définir en une seule chose et aucune d’elle en même temps ? Sincèrement je suis chaque jour quelque chose de différent et en fait je suis au service d’une production d’émotions. »

Il a été le producteur inventif et alchimiste fameux d’une avant-garde musicale ibérique hétéroclite, au premier rang desquels le cantaor risque-tout, Niño de Elche. Il a bousculé les codes du flamenco, que ce soit en débridant le cante de Rocío Marquez ou les premières audaces de Rosalía, dont il a assuré la production du premier album Los Angeles en 2017. Il a été l’artisan des promenades hors sentiers battus de Silvia Perez Cruz. Il a aussi su sublimer le grain des voix de la fadiste Lina, de l’artiste néo-folk queer asturien Rodrigo Cuevas, des occitanes de Cocanha et aujourd’hui de Rokia Koné.

Raül Refree s’empare de tous ces champs. Il sait extraire la simple pureté de leurs précieuses coquilles sans en rompre le lien. « Je suis éduqué à répondre à ce que je ressens. C’est, pour moi, la même chose de choisir une note ou une collaboration. Je ne choisis pas une voix parce qu’elle chante très bien ou qu’elle est techniquement bonne mais parce que je remarque quelque chose que je ressens. C’est une question de peau, quelque chose d’inexplicable. Je suis impulsif. Et j’essaie de conserver cette émotion, de profiter du moment, entrer dans cet état presque cathartique. Au final ce que je veux c’est, quand j’arrêterai de faire ça, pouvoir regarder derrière en me disant ça valait la peine. »

« Je n’aime pas devoir faire des choses simplement dans la tradition, des choses qui m’ennuient. Je travaille beaucoup, peut-être trop... J’aime aller vers les rencontres extrêmes, tout expérimenter dans les concerts comme dans mes disques. Actuellement, je finis de travailler sur la musique d’un film, où d’ailleurs je joue, et je suis allé enregistrer des vieilles femmes aux tambourins. Aujourd’hui, j’ai envie de faire des recherches sur les orgues et les chœurs d’église. »

Gorgée d’influences, sa musique est souvent un choc issu de confluences. Du flamenco puro au bruitisme de la new-noise, il se sert des compénétrations qui le traversent depuis des lustres pour forger sa matrice féconde. Une créativité impressionniste où, avec un minimum d’effets, il fait ressentir un éventail très large d’émotions. Sa musique produit un ésotérique trouble, une douce intranquillité. Il glisse ici et là quelques repères pour nous transporter, sans même vraiment le savoir, là où nous souhaitons nous rendre. C’est ce qui peut rendre de prime abord inconfortable l’accès à sa musique et c’est ce qui finit par la rendre passionnante.

Anselme Koba

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