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Billet de blog 16 juillet 2009

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Les guitares un peu sèches de Rod y Gab

Quand Siouxsie and the Banshees entraient sur la scène du Royal Albert Hall, ils avaient choisi de passer Le Sacre du printemps de Stravinski. Façon de signifier: «attention, ici, on ne fait pas du punk pour bourrins, on fait de la new wave qui pense». Quand Rodrigo y Gabriella arrivent sur les tréteaux du théâtre antique d'Arles, ils choisissent des riffs saturés et une basse distordue. Avec là aussi un message très clair: «Nous ne sommes pas là pour donner dans le folklore».

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Quand Siouxsie and the Banshees entraient sur la scène du Royal Albert Hall, ils avaient choisi de passer Le Sacre du printemps de Stravinski. Façon de signifier: «attention, ici, on ne fait pas du punk pour bourrins, on fait de la new wave qui pense». Quand Rodrigo y Gabriella arrivent sur les tréteaux du théâtre antique d'Arles, ils choisissent des riffs saturés et une basse distordue. Avec là aussi un message très clair: «Nous ne sommes pas là pour donner dans le folklore».


De fait, ces deux-là ont beau être guitaristes et mexicains, ce ne sont pas des mariachis. Ils se sont même rencontrés en formant un groupe de trash, Tierra Acida. Rodrigo à la batterie, Gabriella à la guitare. Le soir du moins, car dans la journée ils jouent de la bossa dans les bars et les hôtels. N'y tenant plus, ils émigrent à Dublin en 1999. Jouent dans la rue, jouent dans les mariages, jouent dans les galeries. Se font un nom.

Dix ans plus tard, Gabriela et Rodrigo ont tout appris de l'attitude du groupe de rock. Cet après-midi par exemple, ils ont décidé de ne pas «faire les balances», c'est-à-dire venir tester l'acoustique de l'amphithéâtre et régler au plus juste leur jeu, les baffles, les retours qu'ils entendent obtenir. Puis, passant par là pendant leur promenade en ville, décident quand même de les faire.


Le public non plus n'est pas celui que le théâtre antique accueille depuis quatorze ans, celui des musiques du monde, celui qui s'intalle souvent sagement sur les gradins, puis, la nuit tombant, descend petit à petit des pour venir s'asseoir dans la fosse pour créer une intimité avec l'artiste.


Ici, d'emblée, les fans sont debouts, accoudés à la scène, la fosse pleine de spectateurs debouts, qui se crient au creux de l'oreille devant les baffles poussées à fond.


Deux guitares, pourtant. Sèches. Gabriela tient le rythme, tambourine sur sa caisse, donne des coups de moulinets. Passe du registre gypsy au binaire le plus carré - géométrie délicate - sans prévenir. Rodrigo assure la mélodie, puis s'emporte dans des solos vertigineux, cite un peu tout le monde, un peu Black Sabbath, un peu de Joe Satriani, un peu de Paco de Lucia. Ils jouent, sans laisser le temps de reprendre son souffle, sans pause, enchaînant exercices de virtuosité sur exercices de virtuosité. Jusqu'à en devenir hypnotiques.


On pourra regretter que Rodrigo et Gabriela aient si peu joué avec un public pourtant bien chauffé par le n'goni de Bassekou Kouyaté en première partie. Jamais cette complicité avec le public qui s'établit parfois au théâtre antique; les spectateurs bougent en houle qui vient s'écraser sur l'estrade. Un peu sec. Ebouriffant, quand même.