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Billet de blog 16 juillet 2009

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Rajery, missionnaire de la harpe malgache

Germain Randrianarisoa. Ecrivez Rajery, prononcez Radzir’. Petit homme au visage fendu d'un sourire immense. «Missionnaire», dit-il, de Madagascar et de sa harpe tubulaire tendue de câbles de frein de vélo en guise de cordes, et au corps de bambou grand presque comme lui.

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Germain Randrianarisoa. Ecrivez Rajery, prononcez Radzir’. Petit homme au visage fendu d'un sourire immense. «Missionnaire», dit-il, de Madagascar et de sa harpe tubulaire tendue de câbles de frein de vélo en guise de cordes, et au corps de bambou grand presque comme lui.
Sa main droite aussi. On ne voudrait pas la voir, mais on n'entend qu'elle: le «prince de la valiha» en joue en virtuose avec une main et un moignon. Entre deux morceaux, il explique: «J'ai perdu mes doigts à l'âge de 11 mois. Lors d'une cérémonie de mariage dans son village, une femme m'a fait manger un morceau de viande empoisonnée.» Sa main a gonflé, ses parents ont bien essayé de la garrotter, ses doigts sont tombés. «J'ai commencé par jouer des percussions, mais quand j'ai entendu mon frère aîné jouer de la valiha, je me suis dit: “c'est de cela que je veux jouer”. Mais comment pincer les cordes? C'est simple: il suffit de le vouloir.»


«Il suffit»,
mais il lui aura fallu vingt ans pour apprendre, mettre au point, perfectionner son propre style, dépouillé, nourri de chants d'église, de folklore des Hauts-Plateaux, de rythmes salegy, de polyphonies vocales du sud de la Grande-Île. Tissé d'inventions et de bricolages — «si on veut changer de timbre, on ne s'embête pas, on place un élastique sous les cordes», évacue-t-il, rigolard.

D'un coup de pédale, il fait tourner ses boucles rythmiques, reprend et décale son thème, fait entrer une à une ses variations jusqu'à construire, seul, une polyphonie complexe. Il fait résonner son diapason dans la caisse de sa valiha, s'en sert de plectre, scate ses notes, cite (Jésus que ma joie demeure!), joue du public — d'un signe, il le fait taper des mains, d'un chuchotement le petit homme contrôle son chœur d'un geste simplement. A l'ombre d'un châtaigner, devant les contreforts sévères de l'archevêché, seul sur une scène immense.

> Rajery, salon de musique. Jeudi 16 juillet à 16h30 au musée de l'Arles antique.
> Rajery quartet. Vendredi 17 juillet à 18 heures, scène Nina-Berberova.