C'est une histoire qui rebondit de scène en scène. En 2006, en marge du festival Les Escales de Saint-Nazaire, le guitariste angevin Titi Robin croise le qawwal pakistanais Faiz Ali Faiz.
N'était l'ascendance légendaire des Tziganes venus d'Inde, on n'imagine pas bien ce qu'ils feraient ensemble. Le premier, long visage sec prolongé d'une barbe, n'aime rien tant que les guitares méditerranées. Les musiques manouches: rom et sinti. L'oud oriental, les airs gnawas, le bouzouki, le luth protéiforme. L'autre, tête joviale, est l'héritier en huitième génération de la musique soufie, cérémonie mystique où le chanteur de qawwali va chercher profondément la voix, bat des mains jusqu'à s'en étourdir, croise les chœurs de façon hypnotique jusqu'à atteindre une transe extatique.
On ne voit pas, si ce n'est la curiosité, l'ouverture que permet justement ce genre de festivals. A celui de Saint-Denis en 2008 et au Traumzeit – le temps du rêve – de Duisburg, ils scellent leur collaboration. Titi Robin composera des mélodies inspirées du qawwali et Faiz Ali Faiz puisera sa substance dans la poétique ourdoue, dans le khyal, dans les textes penjabis des grands Shah, dans les poèmes galants de Perse, les ghazals.
Deux ans plus tard, cette expérience arrive à maturité entre les colonnes blanches d'Arles, avec un projet nommé «magie»: Jaadu. Entre les rafales du mistral, descendant le Rhône, soulevant des nuages de sable, Titi Robin lâche les notes en grappes sur son bouzouki, trouve des falsetas gitanes sous ses doigts, ouvre vers des riffs orientaux, pousse jusqu'au monde persan, indien et arrive aux chants soufis; Faiz Ali Faiz accroche, puise au plus profond puis fait monter sa voix très haut – c'est un cante jondo qui a cours sur des routes bien plus orientales –, d'une main impérieuse, il rythme, il lance les chœurs, il les interrompt et quand on croit le morceau fini, il relance jusqu'à l'ivresse du public.