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Billet de blog 21 juillet 2023

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Décarboner les festivals, les Suds dans le groupe des chercheurs

La filière professionnelle des musiques actuelles a lancé un laboratoire pour calculer et réduire les émissions carbone de son secteur. Les Suds font partie des festivals test.

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Ici, en juillet : ça cogne. Difficile de circuler en ville entre 10h et 17h sans transpirer à grosses gouttes. C'est pas nouveau, mais la tendance s'amplifie. Les Suds n'ont pas fini de remonter vers Arles pour la musique comme pour le climat. Il y a les stages de chant du Sahara : transcendant. Et ce que disent les rapports du Giec : inquiétant. Côté politiques internationales et nationales, la réaction reste molle et loin de la hauteur des enjeux. Pour ce qui est des festivals de musiques actuelles, ça turbine pour agir à son niveau déjà depuis des années en termes de développement durable et plus récemment sur la bataille spécifique des émissions carbonnes.

Plus de transports en commun, moins de voiture, la recette reste simple pour réduire la facture carbone d'un festival. “Cette année, nous avons insisté pour que les artistes arrivent à Arles directement”, déroule Stéphane Krasnewski, le directeur du festival. Une perte relative de confort pour les artistes qui peuvent se retrouver à attendre une correspondance. “Ça nous évite d'envoyer une voiture faire un aller-retour”. Le directeur souligne qu'Arles a de la chance, avec des correspondances ferroviaires depuis les gares d'Avignon ou Nîmes et son direct quotidien depuis Paris. “Après, on va pas laisser poiroter un artiste quatre heure à la gare de Nîmes”. Economiser du carbone, c'est repenser son rapport au temps. Et souvent les artistes ne sont pas déçus. Bastian, 21 ans, est un des chauffeurs des taxis vélos arlésiens de Taco and co. “Les artistes arrivent à Arles et pénètrent dans la ville en vélo, directement proche des gens, le contact est plus facile, plus naturel, souvent ils adorent notamment pour les artistes asiatiques ou africains qui connaissent les taxis-vélos dans leur pays”.

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A la gare d'Arles, les Suds font appel aux taxis-vélo de Taco anc co pour aller chercher les artistes et les conduire jusqu'à leurs hôtels ou vers les lieux ils se produisent. © Eric Besatti

La mobilité, c'est la première dépense carbone d'un festival, environ 80% selon le rapport Décarbonons la culture. Mais les festivals subissent d'abord la réalité des politiques publiques de mobilité et n'ont parfois pas de marge de manoeuvre. Depuis Arles, impossible de rentrer à Marseille, passé 20h. Mais le processus est lancé. Depuis l'an dernier, la région Occitanie utilise comme critère le moyen de mobilité des festivaliers pour l'obtention des subventions. Plus les festivaliers viennent en voiture, plus la note baisse. “Cela peut avoir comme effet pervers de désavantager les zones rurales, peu pourvues en transports en commun”, illustre Stéphane Krasnewski, depuis les Suds mais également vice-président du Syndicat des musiques actuelles. Si le critère du mode de transport des festivaliers est retenu, il serait donc plus difficile de financer un festival en zone rurale qu'en ville. Des injonctions contradictoires : développer la ruralité et y multiplier les obstacles au financement.

C'est aussi pour cela que la profession se mobilise actuellement. Par engagement citoyen : OK. Et aussi pour anticiper et orienter les nouvelles réglementations afin d'éviter les abérations. Ne pas subir et proposer des critères les plus pertinents possibles. Et la démarche, lancée au début 2023 porte le nom de Déclic. Les entreprises de la musique actuelle “souhaitent aller plus loin face à l’urgence écologique et s’engagent dans un projet collectif de décarbonation”, annonce le communiqué de la Fédération des lieux de musiques actuelles (Fedelima) et le SMA (Syndicat des musiques actuelles).

“Déjà, le Centre national du cinéma rend obligatoire le bilan carbone d'un film pour le dossier de subvention”, déroule David Irle, “éco-conseiller indépendant” dans le domaine. Le ministère de la Culture, quant à lui, est en train de lancer des audits pour connaitre le bilan carbone de ses scènes nationales ou grands musées. “L'enjeu est d'anticiper les mesures réglementaires qui pourraient arriver pour construire des activités qui pourront être soutenables dans 10, 20 ou 30 ans.”

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David Irle lors des rencontres professionnelles des Suds le 11 juillet 2023. Les questions ? Comment traite t-on les conflits d'usage entre la préservation de la biodiversité et le fait de devoir investir un espace pour un rassemblement majeur ? Quel peut-être l'évenementiel soutenable ? © Thierry Gautier

Autonomia !
Pour ne pas subir quand les bilans carbone seront obligatoires, la démarche Déclic lancée dans la filière des musiques actuelles vise à établir des modèles de calcul en se basant sur 18 structures ou événements différents, dont les Suds font partie. Un travail réalisé avec le cabinet d'études spécialiste en bilan carbone Ekoconcept. De cette manière “au lieu de lancer chacun notre étude dans notre coin, ce qui est fastidieux et cher, nous pourrons nous appuyer sur le travail des festivals ou structures qui sont semblables à nous”. En clair “concentrer nos moyens sur les plans d'actions et pas enrichir McKinsey”, image Stéphane Krasnewski.

Mais la profession n'est pas dupe, malgré l'énergie qu'elle fournit pour réduire son empreinte carbone, les structures professionnelles “sont bien conscientes que l’empreinte carbone n’est pas le seul élément constitutif de la transition écologique”, précise le communiqué “et que le dérèglement climatique n’est pas l’unique signe de dépassement des limites sociales et planétaires en cours”.

Pareil pour David Irle, l'éco conseiller. “Ne regarder que le carbone empêche de voir le reste, comme les déchets par exemple, en revanche je suis favorable à un plafonnement des émissions carbone pour un événement. En ce moment, c'est la course à l'échalotte pour avoir les têtes d'affiches qui sont de plus en plus chères, alors on augmente les jauges qui demandent d'attirer de nombreuses personnes de provenances lointaines. On se retrouve aujourd'hui avec des festivals comme le Hellfest qui achète des champs pour en faire des parkings, ça n'a plus de sens.”

Les études ne sont pas finies, mais les Suds devraient s'en sortir entre 250 et 300 tonnes de CO2 produites pendant le festival. C'est 12 000 pour les Vieilles charrues ou 1,58 millions annoncées pour les Jeux olympiques de Paris. Qui dit moins ?

Eric Besatti

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