Les notes aigres de Jean-Marie Machado s'égrennent, fragiles, et dégringolent en longs rubans romantiques, s'égaient en espagnolades, partent en impro, trébuchent à contre-temps, virevoltent, virtuoses. La voix fébrile, palpitante comme la chair à nu, pleine de fougue et de fureur, la plainte d'Antonio Placer, déclame, souffle et miaule comme Artaud, explore des territoires hybrides, Gardel et Rosalia de Castro, Ferrat, Aragon et Les passantes de Georges Brassens revues en galicien. « S'exiler, pou moi, ce n'est pas seulement partir d'un pays à un autre, dit-il. C'est s'exiler des jugements de valeur, du regard d'autrui, de tous les conditionnements qui empêchent l'être humain d'être libre. Ma responsabilité d'artiste, c'est d'appeler les choses comme mon cœur les nomme. (...) Moi, je vois les plantes qui foutent leur pied dans la merde pour la transformer en parfum. C'est mon métier. Je chante l'exil parce que l'exil m'a fait comprendre ça. »
C'est Republicalma, donc. L'âme du migrant, de l'exilé, du nomade – « Le bouc émissaire est le meilleur ami de l'homme » –, premier volet d'un triptyque, Republicanto, « un chant (dédié) à tous ceux qui ont connu l'exil, aux oubliés de l'histoire, à ceux qui attendaient que la France s'engage pour jeter Franco à la poubelle. (...) Avec l'exil, tu mets ton âme à l'abri. » Un hommage aux expropriés, aux expatriés, aux sans-identité fixe ni cocarde : « C'est au moment où tu te retrouves que te peux retrouver l'autre, et là il se passe tout un tas de choses. (...) Toutes ces histoires de se nommer parce qu'on a peur de n'être personne, alors on se dit qu'on est Français, on se dit qu'on travaille quelque part, on se dit qu'on est artiste, on se dit ceci, cela... Putain, moi je vois les arbres, je vois les fleurs, ils ne se disent rien du tout. L'arbre est tellement content de vivre qu'il donne des fruits et ne demande rien en échange. »
- Antonio Placer & Jean-Marie Machado, mercredi 11 juillet à 19 h 30, cour de l'archevêché à Arles