Voici un condensé de mes prises de positions sur différents fils de Mediapart sur la mobilisation de Quimper (et de Carhaix). J'ai procédé à un regroupement des interventions en en modifiant parfois la forme pour ôter ce qui, sans le texte auquel il était répondu, devenait incompréhensible. J'ai aussi resserré certaines formulations par souci également de clarté. On pourra toujours se reporter aux billets qui ont suscité ces commentaires pour être au coeur des débats, parfois houleux, qui sont apparus à propos des deux rassemblements.
A / Discussion sur Poutou (NPA) manifestera à Quimper avec le patronat, le FN et les identitaires !!! (???)
La position du NPA sur ce qui passe en Bretagne est condensée dans ces articles :
Les braises bretonnes
La violence des affrontements sous le dernier des trois portiques écotaxe du Finistère a été réelle, ce samedi 26
Ce que j'en pense...
Le mouvement qui est en cours actuellement en Bretagne a immédiatement une nature fortement interclassiste à forte connotation régionale. Autant dire que, comme tout mouvement peu ou prou régionaliste (dans d'autres pays, comme dans l'Etat espagnol avec la Catalogne, on parle de "nationalisme"), sa marque est l'hétérogénéité politique : toute une partie de la gauche française, très marquée, elle, par l'histoire républicaine-centraliste de la France, réagit avec une très grande défiance dans cette situation mais, en cela, elle s'enferre dans le gros paradoxe de se montrer très soucieuse d'un profil de gauche "très démarcation de classe" alors que, par ailleurs, cette démarcation est, chez elle, plus qu'effilochée. Ainsi le syndicalisme qui fonctionne à la négociation quasi permanente avec les gouvernements de droite comme de gauche, qui servent la soupe au patronat, et avec le patronat lui-même et qui "organise" la démobilisation sociale (voir la question de la retraite où même la CGT ne demande jamais le retrait pur et simple de réformes qui sont toutes des régressions majeures pour les salariés, spécialement les femmes et les jeunes).
Pour en revenir à la Bretagne, le rôle de la gauche consiste à être là où la population est et, pour éviter la dilution de son positionnement politique, elle doit poser clairement les revendications qu'elle défend et, par là, opérer la démarcation nécessaire mais à l'intérieur dudit mouvement. Ensuite il faut voir le concret de la situation et déjà commencer par ne pas jouer à se faire peur en posant que c'est le patronat, la droite, voire l'extrême droite qui "tiennent", sans plus, le mouvement. Les choses, de ce point de vue, sont complexes et il ne sert à rien, comme fait le rédacteur de Politis, affilié au PG, (voir article) d'en réduire et dénaturer la portée politique mais aussi sociale ! L'autre manif à Carhaix s'est inévitablement placée en extériorité politique par rapport à ce mouvement alors que l'objectif est de créer un pôle autour des revendications ouvrières et d'aider, même si ce n'est pas facile, à clarifier les données interclassistes du moment : relisons les revendications que le NPA a portées à Quimper et on comprendra qu'elles n'ont rien à voir avec le patronat, la droite ou l'extrême droite. Elles en sont même le contre-pied exact et il était important qu'elles soient adressées aux travailleurs en lutte de la région qui, ça c'est une donnée lourde de la situation bretonne, étaient présents en masse. A Quimper et pas à Carhaix !
Dans un mouvement comme celui de la Catalogne c'est ainsi que se mobilisent les anticapitalistes et, disons-le, beaucoup d'organisations de gauche, malgré le fait que ce soit un mouvement plus politique (revendiquant l'indépendance) qu'en Bretagne (où la question nationale s'est historiquement cristallisée comme régionale-régionaliste) et où il est donc plus difficile de poser les revendications sociales; malgré le fait aussi qu'il soit sous hégémonie de la droite catalaniste !
Il est important que la gauche française, comme pour les questions de religion ou de laïcité, ne soit pas condamnée à rester dans des positionnements pseudo-puristes, assez illusoires dès qu'on les confronte aux réalités politiques nationales, qui, par ailleurs, pour le coup, la mettent parfois en proximité politique avec la droite ou même l'extrême droite (cf le FN et la laïcité).
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Si le NPA participe à une manif interclassiste, c'est en y défendant des positions qu'un certain discours de la tradition marxiste qualifierait "de classe" ! Demandez à un patron breton, aux UMP bretons sans parler des identitaires du cru, s'ils suivent sur l'interdiction des licenciements. Quand à la défense par le NPA de solutions économiques et sociales luttant contre la pollution, il m'est avis que la FNSEA du coin y trouvera à redire.
La différence avec le FDG et quelques autres c'est que le NPA se trouve là où se trouvent les salariés et les petits paysans en lutte. Il ne leur demande pas d'avoir, au débotté, le programme lutte de classes que justement il faut leur proposer d'énoncer sans par ailleurs la jouer avant-garde éclairée-je sais tout-bande d'ignorants ! Le FdG et des syndicats veulent partir, eux, artificiellement d'un mouvement à leur mesure "de gauche", déjà cadré "spontanément" à gauche, ce qui, au demeurant devrait amener à sourire : je me souviens que pendant sa campagne des présidentielles Mélenchon avait assuré les investisseurs qu'ils n'avaient rien à craindre d'une montée en puissance du FdG (voir ici). Disons qu'il y a là matière à réfléchir sur un purisme du jour qui ne l'était pas tout à fait le jour d'avant... Car, je veux bien, mais des investisseurs ça suit d'abord et avant tout la logique de la valeur capitaliste qui, que je sache, n'est pas la voie royale pour l'abolition de l'exploitation du salarié et surtout n'est pas des plus compatibles avec la rupture préconisée avec le système libéral-capitaliste...
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A Quimper il y avait des ouvriers opposés à la fermeture de leur boîte, des paysans en colère... Que leurs motivations ne cadrent pas avec les canons "revendicatifs" d'une gauche politique et syndicale qui traîne quand même un passif doublé d'un déficit en matière de clarté, de mobilisation (salaires, retraites) et tout simplement d'honnêteté et de cohérence (les écolos qui gouvernent avec un PS capitaliste comme jamais !)... est une chose. Qu'ils côtoient du patron, de l'UMP ou des fachos c'est aussi une chose mais que tout cela signifie qu'ils sont sous direction patronale-droitière-extrême-droitière, c'est, passez-moi l'expression, de la connerie au Carhaix !
Ce mouvement en est à ses débuts, c'est touffu, ça cherche à se placer, ça magouille mais surtout c'est de la révolte : hétérogène, défouloir, se cherchant, désespérée, etc. Ce n'est pas en fuyant à Carhaix qu'on a une chance de peser sur l'orientation qu'il peut prendre ! Quelles que soient les forces dont on dispose, on se doit d'être où un mouvement social s'affirme en échappant aux cadrages où partis et syndicats pas nickel sur eux voudraient qu'il soit. Quand on est FdG, CGT, FSU ou Solidaire on travaille à créer un pôle social de combat pour les revendications. Mais voilà : qui, parmi ces regroupements, veut d'un mouvement qui met haut la barre de la colère, qui met bas les calculs politiciens qui, jusque là, ont laissé une marge de manoeuvre confortable au PS pour faire ses mauvais coups ?
En somme, je trouve assez indécent le procès fait par des écolos traînant un discrédit énorme, y compris sur le terrain écolo, et des partis et syndicats, incapables (là je suis gentil) d'élaborer du sérieux pour contrer le gouvernement et faisant la leçon à ceux qui vont au charbon contre ledit gouvernement ! Le NPA, avec ses moyens, est là où il faut être sur ses bases programmatiques et revendicatives : c'est le moins qu'il puisse faire quand ceux qui pourraient faire plus, se débinent à la périphérie (là aussi je ne serai pas cruel) de la contestation sociale.
Si on veut combattre les tentatives du patronat, de l'UMP et des fachos de "prendre" un mouvement social, c'est dans le mouvement social qu'il faut être. Et ça, ça se passait à Quimper !
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B / Infos glanées auprès d'un copain de Quimper :
Probablement autour de 20 à 30 000 personnes. Banderole de tête : pour l’emploi vivre et travailler en Bretagne. Avant les interventions au camion tribune la sono a fait retentir des chants tels que la « Blanche Hermine », « Bella Ciao, » les frères Morvan, « Antisocial » (Trust) ou encore « la rage du peuple » de Keny Arcana ».
Beaucoup de salariés des entreprises frappés par les licenciements (Doux, GAD, Tilly, Marine Harvest, Boutet Nicolas), sans doute plusieurs milliers mais aussi beaucoup de travailleurs, des paysans, des précaires, des chômeurs, des retraités, beaucoup de jeunes bref une manifestation avant tout ouvrière et populaire.
La droite et les agriculteurs productivistes avaient aussi appelé à cette manif compte tenu du vide laissé par les organisations syndicales et particulièrement la CGT qui elle, a appelé à manifester à Carhaix à 70 km de Quimper.
Des tracteurs, quelques camions, de petits groupes d’identitaires non identifiés, qui ont déployé et replié en quelques minutes leur banderole « Hollande démission » une fois au bord de l’Odet et une autre fois sur le haut du Frudgy (colline surplombant la manif), mais non indentifiable par la quasi majorité des manifestants (car non signée).
En revanche, en marge de la manif, selon la presse de ce dimanche matin se sont eux qui se sont affrontés aux flics et ont agressé un jeune black dans l’après midi.
Pas de FN visibles ni d’UMP affichés mais en revanche un cortège politique du NPA, des Alternatifs, de Breiz Résistance, SLB et de nombreux militants du FdG mais aussi d’ATTAC et des Verts, des Zadistes mais aussi de la FSU, avec P. Poutou et 2 banderoles « interdiction des licenciements » plusieurs centaines de tracts et d’autocollants chaudement distribués et évidement très bien reçus.
Plusieurs dizaines de manifestants ont manifesté avec notre autocollant sur eux.
Ce cortège avec celui de l’UDB (Union démocratique Bretonne) était fort de plusieurs centaines de personnes.
Des cortèges des Doux, GAD, Tilly, Marine Harvest, Boutet Nicolas avec bien sûr beaucoup de FO mais aussi de très nombreux adhérents CGT ne comprenant pas la position de leur syndicat.
De toute évidence, c’est bien à Quimper parmi les salariés qu’il fallait être, pour disputer le terrain à la droite et au Medef ce qui fut un véritable enjeu.
Et nous pensons que le succès, les interventions des boîtes frappés par les licenciements à la tribune démontrent la justesse de cette position. Intervention remarquée du responsable CGT des pêcheurs, de la représentante FO des Doux insistant sur le non au licenciements et la nationalisation de l’agro, de la déléguée de Marine Harvest mais aussi de notre camarade Matthieu de Carhaix (tête nue) lisant une déclaration de soutien de Pierre Le Ménahes ( CGT ex- SBFM) et terminant par l’appel à l’interdiction des licenciements et à la réquisition des sites qui licencient et ce devant 20 à 30000 personnes. A sa descente du camion sono notre camarade fut chaudement congratulé par les GAD et les Marine Harvest.
Si la CGT et les autres syndicats, si le FdG etc…avaient appelé en force à Quimper, nous aurions pu totalement inverser le rapport de force au niveau de « l’animation de la manif » et minoriser fortement le poids de la FNSEA et de la droite patronale qui a continué d’appeler « à l’union sacrée »…tout en n’abordant pratiquement plus le thème de l’écotaxe …et pour cause.
Nous rappelons que cette manif est, à l’origine, issue d’un appel de Carhaix et des travailleurs de l’usine de Marine Harvest frappé par une fermeture et de plusieurs centaines de licenciements en lien avec le début de convergence qui s’est manifestée toute la semaine du 14 au 20 octobre entre les différentes usines et leur comité de soutien, chez les GAD et les Marine Harvest.
La droite, le Medef, et la FNSEA en étant à l’offensive contre l’écotaxe ont tenté de dévoyer cet appel et y ont partiellement réussi, aidé en cela par la direction de la CGT qui a préféré « botter en touche » plutôt que de s’affronter à l’ennemi de classe et à militer pour un mouvement posant le problème de l’interdiction ou pour le moins de la suspension des licenciements et faire reculer le gouvernement à l’image de son recul sur l’écotaxe.
Appeler à une manifestation « ouvrière » à Carhaix, ville de 8000 habitants en forçant la main y compris à d’autres syndicats comme Solidaires et la FSU et en recevant le renfort du PS (Poignant, maire de Quimper), du député PS de la circonscription de Carhaix, d’EELV, du FdG en particulier le PC favorable à l’alliance avec le PS dés le 1er tour des municipales, mais aussi du PG et de la déclaration insultante de Mélenchon, ne pouvait que tromper nombre de syndiqués et militants sincères qui ont cru que seules la droite et le patronat allaient manifester à Quimper…aidé en cela par les médias qui ont martelé ce faux toute la semaine.
Rappel : entre le 18 octobre (Appel de Carhaix) et le 2 novembre, la CGT ne s’est pas exprimée sauf le mardi 30 octobre au soir pour appeler à Carhaix. Soit 3 jours avant la manif.
Rappel aussi : dés le début de la semaine dernière, le PS a appelé à l’annulation de la manifestation à Quimper…tantdis que Lebranchu et les médias parlaient d’affrontement entre extrémistes.
Résultat : 2 à 3000 personnes à Carhaix venues aussi du 35 (Ille et vilaine), du 44 (Loire Atlantique) et du 22 (Cotes d’Armor) …c'est-à-dire 10 fois moins qu’à Quimper où les ouvrières et les ouvriers de l’agro étaient présent en masse et en cortège dans la manifestation très populaire.
Si l’assertion de la CGT et des autres étaient vraie nous serions dans une situation plus que dramatique, cela signifierait que le mouvement ouvrier traditionnel sur le problème de l’emploi mobilise 10 fois moins que cette dernière.
Fort heureusement, il n’en est rien. Une partie des manifestants de Carhaix ont été trompés par la direction de la CGT qui a refusé d’être présente à Quimper (et a réussi le tour de force de s’allier à la majorité gouvernementale) parce qu’elle n’était pas à l’origine de l’appel et qu’elle ne voulait pas d’une manifestation massive, pouvant la dépasser contre les licenciements et pour l’emploi, sur les terres de B. Poignant (maire de Quimper et conseiller d’Hollande).
Elle s’est repliée sur un petit tour de Carhaix tandis que 20 à 30 000 personnes manifestaient à Quimper, encadrées par un dispositif policier impressionnant…
Cette fracture entre les 2 manifestations laissera des traces et a particulièrement traumatisé de nombreux militants de la CGT, du FdG (PG, PC et GA, tous courants confondus) qui ont subi depuis 3 à 4 jours des assauts violents et insultants de la part de celles et ceux qui dénonçaient leur présence à Quimper, sans évoquer les pressions et les insultes ignominieuses contre le NPA. (on manifeste avec le FN et les patrons !) (il faut choisir notre camp) etc…
Durant toue la semaine, il a fallu répondre à la position de la CGT et à la pression de la presse qui martelait que la manif à Quimper était à l’initiative des patrons et la FDSEA.
Précision tout de même : il avait été proposé in fine à la CGT, par certains camarades de SUD lors de l’intersyndicale départementale de faire la manif à Carhaix le samedi à 10 heures pour permettre à celles et ceux qui voulaient rejoindre Quimper à 15h de pouvoir le faire. Ce fut un non catégorique…
La situation n’est pas simple, mais comme l’a très bien dit Philippe Poutou, les partis à la gauche de la gauche, les organisations syndicales, les salariés en lutte doivent se retrouver rapidement ensemble pour faire converger les luttes contre les licenciements et contre ce gouvernement qui impose l’austérité.
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C/ Une position qui est proche de la mienne : La Bretagne, c'est la France.
On y lit ceci :
"Ce sont bien les masses prolétariennes qui étaient là et qui cherchent, ni esclaves ni nigauds, la voie du combat et de l’émancipation.
Saluons à cette occasion le geste de Philippe Poutou, sans forcément soutenir toute sa ligne politique. S’il est venu à Quimper, c’est parce qu’il est un ouvrier et sait ce que c’est qu’un ouvrier. Sa présence sauvait l’honneur et montrait ce qu’aurait dû faire le mouvement ouvrier organisé : venir en masse, écouter les gens, généraliser et centraliser leur colère, et alors, plus de problème avec « la droite » et « les fachos ».
Le 2 novembre breton marque une cassure. Il y a ceux qui cherchent leurs drapeaux, leurs fétiches et leurs grigris et insultent le mouvement réel. Partir du réel pour aller à l’idéal, comme disait Jaurès, c’est le contraire de partir de ses petites idées et petits plans pour formater de force le réel et l’insulter quand il suit sa propre voie. Ceux qui bavent sur le prolétariat breton en l’accusant de marcher avec « les patrons » et « les fascistes » sont les meilleurs alliés des patrons. La cause politique de cela, c’est le refus ou l’incapacité de rompre avec le gouvernement, actuellement état-major central des attaques patronales. Quand on soutient sa politique, écotaxes ou autres, on ne peut pas combattre le patronat et on divise à l’avantage du patronat. Le syndiqués et militants CGT, FSU et Solidaires évidemment présents en masse à Quimper montrent la seule voie pour leurs organisations."
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D / Ma réponse à Christian Delerue
Sur RUE : Peuple-nation "BZH" à Quimper contre peuple-classe à Carhaix!
Salut Christian,
Tu reprends mes propos sur la manif de Quimper soulignant son double caractère interclassiste et régionaliste. Je ne souscris cependant pas à ce que tu en tires : "Bref une réaction identitaire droitière sur laquelle les partis de droite nationaux ou régionaux vont surfer !"
Je ne vois pas où est la réaction identitaire des ouvriers de Gad, Doux, etc. mobilisés contre leur licenciement ! Leur participation à un rassemblement en effet interclassiste et connoté régionalement de par la place spécifique que prend la crise sociale en Bretagne, ne peut aucunement relever de ta catégorisation "réaction identitaire droitière". Hétérogène politiquement (je préfère de loin ce mot au bien condescendant mot de "confusion" que tu utilises comme d'ailleurs Stéphane Alliès) le rassemblement de Quimper ne se laisse pas réduire à l'une ou l'autre des caractéristiques qui font ladite hétérogénéité. Les revendications ouvrières sur les licenciements, quoique inscrites dans l'ensemble revendicatif de cette journée d'action, n'en sont pas pour autant diluées.
En fait il manque à ta grille analytique un minimum de sens dialectique : les éléments composant le tout "manif de Quimper" "jouent" entre eux, interagissent et, dans l'état actuel du mouvement ne donnent pas UN sens univoque à l'évènement. Pour parodier Umberto Eco, "Quimper" est une "structure ouverte" ce qui explique que le NPA, bien plus intelligemment, bien plus politiquement que le FdG ou les syndicats partis en balade à Carhaix, a cherché à peser, dans la mesure de ses moyens, sur la situation : le NPA a axé sa présence sur les revendications ouvrières et écologistes de défense de l'emploi et d'une agriculture antiproductiviste écologiquement soutenable. Il a porté sa grille de lecture des choses et ses propositions spécifiques pour qu'elles "rencontrent" le vécu et les analyses des ouvriers en lutte et des paysans mobilisés : cela participe à la fois d'un non-alignement sur les illusions interclassistes qui peuvent parasiter les revendications ouvrières et paysannes et d'une reconnaissance que cet interclassisme n'est pas une aberration horrifique qu'il suffirait d'écarter d'un revers de main et un déplacement pédestre à 70 km de Quimper comme ont fait d'une façon inconséquente les marcheurs de Carhaix.
Si, comme tu le dis, "tout ce qui va dans la rue n'est pas bon même si "de masse" !", tout ce qui s'écarte des manifs de rue de masse court le risque de la marginalité incantatoire se réclamant d'un identitaire sursaut de classe, assez risible chez nombre des organisateurs de la manif de Carhaix qui n'ont pas montré une constance de classe dans leur rapport au PS, au gouvernement de gauche comme de droite ! Sauf dans le cas d'une manif de masse explicitement appelée par la droite et le patronat et contrôlée par eux (structure fermée), et ce n'était pas le cas de la manif de Quimper, une gauche d'alternative anticapitaliste se doit d'être présente au contact de la population ouvrière mobilisée ! C'est pour moi le b a-ba du militantisme de classe !
Enfin que les gens en colère mobilisés ne "répondent" pas au problème qui se pose à eux n'est pas étonnant : qui a la science infuse permettant de donner lesdites réponses ? Les organisations rassemblées à Carhaix dans une confusion politique assez pitoyable, selon moi ? Toi, Christian Delarue ? Stéphane Alliès ? Même le NPA ne dit pas apporter les réponses, il "propose", pardon pour la nuance, ses réponses ! Sans en faire le moyen de toiser en surplomb ces pauvres gens en colère qui ne comprennent pas trop ce qu'il faudrait faire ! Autant dire qu'il y a une façon condescendante de parler de l'ouvrier et du paysan mobilisés qui devrait recevoir, en retour, un méchant "mais qui donc t'a fait roi de l'analyse subtile répondant aux questions politiques et sociales posées".
La position du NPA est aux antipodes, ne parlons même pas des éructations imbéciles de Mélenchon sur maîtres et esclaves, de la démagogie populiste (le peuple a par essence raison et voit juste) comme de l'avant-gardisme dogmatique ("peuple, suis mon panache rouge ou vert, de l'émancipation") : cette position peut se résumer à un "tiens, voilà ce que je te propose, à partir d'une position de proximité, physique et politique, avec toi. On en discute ?".
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Je recommande l'excellent billet que Philippe Marlière vient de mettre en ligne et qui, pour moi, dit l'essentiel dans la mauvaise polémique que certains à gauche ont tenté de monter en valorisant Carhaix au détriment de Quimper : Il y a du rouge sur les bonnets rouges
Je mets aussi le lien vers la réponse de Philippe Poutou dans Politis à l'article polémiquement titré Poutou (NPA) manifestera à Quimper avec le patronat, le FN et les identitaires : Manif des bonnets rouges à Quimper : Philippe Poutou nous écrit
Ce texte de réponse est paru aussi sur le site national du NPA : Droit de réponse à l’article de Michel Soudais paru sur le site de Politis le 1° novembre 2013