LA DÉSILLUSION
I
Jeune Souleymane, éveille-toi enfin.
Tu habitais une zone sensible, mais ce mot, pour toi, ne voulait rien dire. Ta résidence était haute comme une muraille de prison et tu logeais avec les cafards, les rats.
Ton père était un aliéné des bistrots. Lorsqu’il te souriait, ses lèvres s’enflammaient : l’alcool lui rongeait le cerveau, les os. Il ne te reconnaissait même plus parce que ses yeux brûlaient de mépris pour l’incompétent que tu étais.
Dans la cité des Oliviers, tu longeais des couloirs, des murs. Parfois c’était des voies ferrées. Tu imaginais un château dans les arbres ; au bout de leurs branches, il y avait des tours depuis lesquelles tu apercevais une lune lointaine : Marianne. Mais cela, c’était bien avant que tu ne jettes une pierre contre une voiture de police. Tu n’as pas compris que l’on te demande ta carte d’identité, que l’on te fouille. Tu as alors brandi ton poing… Ton seul moyen de lutter contre l’injustice.
II
Tu as été un bandit
On t’appelait Souleymane le Grand
La justice t’a condamné
Tu n’as plus d’empire
Et tous tes hommes ont été arrêtés
III
Maintenant tu longes les murs d’une cellule de prison
Tu as grandi bien trop vite
Tous t’ont abandonné bien trop tôt
Tu n’es plus Souleymane le Grand
Mais un bouffon
Penses-tu
Hélas
Ô Souleymane
Les armes
La violence
Règnent encore sur ton empire
Tuent
Toujours
De jeunes innocents
IV
Te voici en isolement
Dans l’obscurité et le silence
Tu réfléchis à ton existence
Et cela transperce ton cœur
Tu crois avoir eu une mère
Mais tu ne sais plus
Parce que selon toi elle n’existe plus
Tu crois avoir eu un père
Mais tu ne sais plus
Parce que selon toi il n’existait déjà plus
Souleymane
Il y avait des châteaux dans les arbres de ta cité
Te souviens-tu
C’est toi qui les avais construits
Tous tes rêves au sommet des branches
Tu regardais au loin le soleil déjà couché
Marianne grandissait au-dessus de ta tête
Et tu te croyais fils de Sa nation