Les explications sont multiples – depuis l’horaire (tardif) jusqu’à la commodité d’internet (YouTube). Mais gageons que la politique y est pour quelque chose : mieux vaut en rire qu’en pleurer. C’est sans doute dans le magazine satirique The Onion qu’on trouvait le 17 janvier 2001, au moment de l’inauguration de George W.Bush, le commentaire le plus lucide sur ce qui s’annonçait : au sortir des deux mandats de Bill Clinton, « notre long cauchemar national de paix et de prospérité s’achève enfin ».
Cette (fausse) citation du nouveau président donnait le ton de son discours (fictif) : « Notre peuple doit s’unir pour diviser en deux cette nation. Beaucoup de travail nous attend. Le fossé entre riches et pauvres est peut-être large, mais il reste encore beaucoup à élargir. Il nous faut gaspiller le surplus budgétaire, si durement acquis, en réductions d’impôts pour les 15% les plus riches. Et sur le front extérieur, il nous faut trouver un ennemi, et le vaincre. » En effet, « Bush promettait de mettre fin à la sévère disette de guerres qui avait sévi sous Clinton, en assurant ses concitoyens que les Etats-Unis s’engageraient dans un conflit armé du niveau de la Guerre du Golf dans les quatre années à venir – au moins. » Pour l’économie, « Bush s’engageait à ramener la stagnation économique par des réductions d’impôts importantes, qui conduiraient à une récession ». Quant à l’environnement, il assurait les électeurs que, « conformément à sa promesse pendant la campagne », il ouvrirait l’Arctique aux intérêts pétroliers. Quant à la laïcité, le ministre de la Justice allait « réparer la terrible séparation imposée par Bill Clinton entre église et Etat ».
Et en France ? Voltaire est à la mode, mais sans l’ironie. Peut-être ceux qui écrivent nos Guignols de l’info devraient-ils tremper leur plume dans l’encre de Jonathan Swift. Publiée en 1729, sa « modeste proposition » de régler le problème irlandais en faisant rôtir leurs enfants garde toute son actualité pour parler d’autres pauvres, et d’autres étrangers – par exemple, les Roms ; à défaut d’en pleurer, nous pourrions au moins en rire.