Billet de blog 22 avril 2016

Michael Kolkman

chercheur indépendant

Abonné·e de Mediapart

Ce que nous pourrions apprendre de la part de populistes de droite

Michael Kolkman

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

 Les liens entre la dominance néolibérale, le changement climatique et le rejet de partis politiques comme cela se manifeste dans l'abstention, l'extrême droite, mais aussi dans tout un courant de l'altermondialisme, sont très serrés ce qui pose un contexte politique particulier pour un parti qui se veut progressiste et écologique. Se battre pour un monde moins polluant sans changer le modèle de production n'est pas réaliste ; créer un monde plus juste et plus respectueux de la nature n'ira non plus tant que les gens se méfiant de la politique. Et qui plus est, cette trinité de menaces ne cesse pas à s'aggraver. Comment alors être à la fois idéaliste, pragmatique et crédible ? Ce n'est pas rien à demander !

Il me semble qu'au fond le plus difficile n'est peut-être pas de vaincre le capitalisme ni d'arrêter le changement climatique, mais de détourner le rejet de la politique. Quoi qu'il en soit, sans la coopération de gens, rien de bon ne se ferra. Des solutions on en a ; certes on ne peut pas prétendre les avoir toutes ou qu'elles soient définitives, mais on n'est pas en manque de bonnes propositions. Contrairement aux populistes de droites, on a des valeurs qui nous guident et qui nous permettent de proposer une vision pour notre société. Pourtant, on n'est ni écouté ni cru.

Mais si les gens se détournent de la politique comme expliquer l'enthousiasme (même si souvent négative) des militants du FN ? Comment ça se fait que le rejet de la politique fait profiter les politiciens et politiciennes de la peur et de la haine, et cela pas de tout qu'en France, mais quasi partout en Europe ? Avant de les condamner, il y a de choses à apprendre de leur part.

1.) Première chose à comprendre, c'est que les gens qui votent pour le FN sont de plus en plus de gens normaux, ce sont de jeunes, de retraités, de villageois, de citadins et de citadines. Même si leurs dirigeants sont pour le plus part détestables, leurs votants le font souvent parce qu'ils se sentent abandonnés par leurs représentants. Ils sont dégoutés par les technocrates, farine à bouche, ils ne comprennent plus rien de comment l'Europe fonctionne et ils ne croient plus de tout les promesses que tout ira mieux bientôt. Et ce ne sont point que les votants FN qui pensent cela, allez à Nuit debout et dites-les que vous êtes militant auprès d'un parti politique ou pire une élue….

2.) Les populistes parlent directement aux gens là où les politiciens ne parlent qu'entre eux. Ils disent des choses sans prendre en compte les inévitables négociations qui suivront. Ils parlent d'une langue claire, en utilisant des exemples concrets, des cas de figure et peu les généralisations ou les termes techniques. Ils mélangent de l'humour avec des expressions-chocs. Et avec tout cela ils font parler d'eux dans les médias grande publique ou même mieux la bouche à l'oreille.

3.) Ils cultivent l'image d'un semblable, de quelqu'un qui connait les galères des gens. Ils cultivent l'image de l' « outsider », de qui n'a pas connu les privilèges des énarques et qui n'a pas été déformé par le système. En contradiction avec leur politique de haine ils s'appuient en fait beaucoup sur la sympathie et le cœur.

4.) Ils comprennent que la plupart de gens ne sont pas des cosmopolites, que la plupart de gens sont plus occupés par de soucis immédiats que par tout ce qui se passe lointain, et que mieux vaut les améliorations ici en maintenant que de promesses vagues.Ils ont compris que le schéma « nous contre eux » est une forme de protection assez naturelle qu'on ne changeraque très lentement.

5.) Avec tout cela, ils promettent de vrais changements qui auront un vrai impact sur la vie des gens. Malheureusement, leurs propositions ne sont ni basées sur des analyses de fond ni vers des solutions durables. Ils font des promesses sans trop de cohérence, sans trop se soucier quant à la possibilité de les réaliser. Et pire, étant donné qu'ils cultivent sur la peur, ils sont obligés d'en semer.

Le populisme est un phénomène qui perdurera tant qu'il n'y a pas d'alternative crédible et audible. Il faudra qu'on se réveille et qu'on s'y mette, car sinon dans dix ans d'ici les choses pourraient bien être pires. Répliquer efficacement aux populistes de droite constitue un défi considérable, mais contrairement aux autres courants politiques l'écologie a les sources requises pour y arriver. Nous devons proposer cette alternative, mais cela demanderait qu'on travaille de fond notre image auprès de gens.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.