Plusieurs protestations électorales ont été déposées devant le Conseil constitutionnel contre l’élection de M Arnaud ROBINET, déclaré élu à l’issu de l’élection partielle organisée les 7 et 14 décembre dernier à la suite de la démission de Renaud DUTREIL dans la première circonscription de la Marne.
Les protestataires reprochent notamment au candidat élu une violation de l’article L 52-8 du code électoral qui interdit aux “personnes morales, à l’exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d’un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués.”
En l’espèce, si l’on en croit les protestataires, le journal l’UNION aurait donné à certains candidats seulement la possibilité de faire paraître gracieusement plusieurs tribunes dans ses colonnes.
A priori, le candidat élu ne peut prétendre à l’application de la jurisprudence qui tend à écarter la violation de l’interdiction des dons des personnes morales pour la mise à disposition gratuite des salles communales, par exemple, ou encore celle relative à l’hébergement gratuit des sites internets des candidats . En effet, ces jurisprudences, pour pouvoir s’appliquer, exigent que soit remplie une condition de stricte égalité entre les candidats. Tel ne semble pas le cas, si l’on en croit le mémoire déposé (1). la jurisprudence relative à la liberté des organes de presse de soutenir dans candidats ne peut non plus être utilement invoquée par le candidat élu.Il ne s’agit pas, en effet, d’atricles de journalistes, mais bien de tribunes de candidats eux-mêmes.
le 29 novembre 2007, le Conseil Constitutionnel avait annulé les opérations électorales à l’issue desquelles avait été élu M Philippe PEMEZEC dans la 12ème circonscription des Hauts-de-Seine. Son compte de campagne avait été rejeté à bon droit, et il avait été déclaré inéligible pour un an. Il lui avait été reproché d’avoir installé sa permanence électorale sur le domaine public communal sans payer de redevance domaniale et d’avoir fait publier à 3000 exemplaires, dont 1000 qui devaient lui être remis à titre gracieux 3 jours avant le scrutin un ouvrage promouvant l’action municipale de son auteur, mais aussi la campagne publicitaire dont à fait l’objet l’ouvrage.
Le Conseil Constitutionnel avait alors considéré que “la perception de ce don prohibé, eu égard à sa nature et aux conditions dans lesquelles il a été consenti, ainsi que le défaut de sincérité du compte de campagne…justifie le rejet du compte.”
Qu’en sera-t-il cette fois-ci ? Nous ne connaissons pas exactement le nombre de tribunes ainsi publiées par le journal ni le coût que cela peut représenter ou l’audience du journal L’UNION. De fait, toute violation de l’article 52-8 du code électoral n’entraîne pas automatiquement le rejet du compte (2). Ainsi, le Conseil Constitutionnel précise-t-il souvent comme ici que “si les dispositions précitées de l’article L. 52-8 interdisent à toute personne publique ou personne morale de droit privé de consentir des dons ou des avantages divers à un candidat, ni ces dispositions ni aucune autre disposition applicable à l’élection des députés n’impliquent le rejet du compte de campagne au seul motif que le candidat a bénéficié d’un avantage au sens de ces dispositions ; qu’il appartient à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et, en dernier ressort, au juge de l’élection d’apprécier, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce et notamment de la nature de l’avantage, des conditions dans lesquelles il a été consenti et de son montant, si le bénéfice de cet avantage doit entraîner le rejet du compte”.
Ainsi, le débat devrait à mon sens se développer notamment sur “la nature de l’avantage et les conditions dans lesquelles le don a été consenti et de son montant”. Lorsque nous connaîtrons la décision du conseil Constitutionnel, nous en ferons part.
(1) Que le professeur Hervé Causse, ancien étudiant de l’université de Montpellier I tout comme moi soit vivement remercié pour m’avoir envoyé le mémoire qu’il a déposé, avec d’autre.
(2) Notons que contrairement aux élections locales, le candidat ne peut exciper de sa bonne foi pour échapper à l’inéligibilité.