Billet de blog 17 novembre 2021

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Sommes-nous dans une impasse en Guadeloupe ? Oui, assurément.

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Triste Guadeloupe, Ô mon île…

Sommes-nous dans une impasse ? Oui, assurément.

Les organisations syndicales réfractaires à la vaccination anti-covid et opposées au passe sanitaire et à l’obligation vaccinale des soignants, tentent depuis ce 15 novembre de créer un climat insurrectionnel en Guadeloupe, en érigeant des barrages routiers éphémères aux quatre coins de l’archipel. Autant dire que les autorités préfectorales marchent sur des œufs : elles ne peuvent laisser impunément les manifestants bloquer le territoire sans rétablir l’ordre républicain, et dans le même temps, la moindre bavure des forces de l’ordre pourrait embraser le pays…

Quoi qu’il en soit, loin d’un « remake » du mouvement LKP de 2009 qui bénéficiait d’une adhésion massive de la population, les Guadeloupéens sont aujourd’hui profondément divisés, et nombre de compatriotes sont hostiles aux barrages et au blocage de l’île, déjà très éprouvée par la crise sanitaire et ses conséquences sur le plan humain, économique et social. Surtout, certains leaders syndicaux, et en particulier les responsables de l’UGTG, ont perdu la sympathie d’une grande partie des Guadeloupéens, du fait des exactions intolérables commises à l’encontre du CHU et d’autres établissements de santé, et ayant porté directement atteinte à la sécurité et au bien-être des malades.

La Guadeloupe est donc dans une impasse…Et l’heure est grave, très grave, une nouvelle crise épidémique étant d’ores et déjà à notre porte, du fait du faible taux de vaccination (à peine 46% de la population a reçu une première dose), du relâchement des gestes barrières, de la remontée du taux d’incidence, et à l’approche des fêtes de Noël, propices à de nombreux clusters.

Pourtant, la seule solution raisonnable pour sauver des vies demeure la vaccination. Nous ne le redirons jamais assez : la vaccination multiplie nos chances – jusqu’à 85 % -, d’éviter de faire une forme grave de la maladie due au covid-19. En outre, il semble que de nouveaux médicaments permettraient de limiter le développement de formes graves (jusqu’à 50% pour la pilule proposée par le laboratoire Merck en attente d’autorisation par l’agence européenne du médicament), il conviendra sans aucun doute que les autorités sanitaires locales anticipent leur commercialisation pour constituer les stocks nécessaires, en vue de cette 5e vague inéluctable et potentiellement dévastatrice.

Néanmoins, dans une analyse récente sur la crise sanitaire, politique et sociale qui se joue en Guadeloupe depuis l’apparition de l’épidémie, et plus précisément depuis le dernier confinement de juin 2021, la sociologue Stéphanie Mulot avance avec pertinence que « ce qui est singulièrement réactivé et questionné, c’est l’autonomie, qu’elle soit politique, sanitaire ou subjective, et la posture de résistance qu’elle impliquerait ».

L’autonomie, et singulièrement celle ayant trait à plus de pouvoir local et de démocratie sanitaire, serait donc comme un impensé – ou mal pensé –, planant au-dessus de toutes ces tensions, confrontations et contradictions. Et si nous prenions le taureau par les cornes pour sortir de cette impasse par le haut, et en finir avec les irresponsabilités de toutes parts – aussi bien syndicales, politiques qu’individuelles –, et ce climat quasi-insurrectionnel ?

Pour ce faire, ce qui doit être convoqué ici et maintenant, c’est encore et toujours le politique, au sens noble du terme, en vue de l’acceptation de la légitimité des décisions prises localement en matières sanitaire et de protection des populations. Aussi, je proposerais modestement que les exécutifs locaux convoquent un Congrès en urgence, avec une participation effective des différents secteurs de la société civile et ayant voix délibérative, et qui pourrait déboucher sur l’adoption d’une motion qui sera transmise au Gouvernement et au Parlement.

Un Congrès non pas de bla-blas, de discussions stériles et interminables, ou pour noyer le poisson, mais avant tout pragmatique, à la hauteur des enjeux cruciaux du moment, et qui permettrait de relégitimer notre démocratie locale, nos concitoyens aspirant en majorité à davantage d’autonomie, en particulier sur le plan sanitaire. Cette motion pourrait notamment se prononcer sur le maintien ou pas du passe sanitaire (ce passe est-il juste et pertinent alors que seule 45% de la population est vaccinée ?), de l’obligation vaccinale (je demeure pour ma part favorable à l’obligation vaccinale des professionnels de santé), des mesures spécifiques à prendre pour le contrôle des voyageurs entrant ou sortant du territoire, mais aussi et surtout, de l’ensemble des mesures pertinentes devant être prises urgemment pour protéger notre population, à l’aune d’une nouvelle vague épidémique.

In fine, il s’agirait de presser le Gouvernement et le Parlement à prévoir des adaptations législatives et réglementaires en matière de démocratie sanitaire, comme cela a été le cas pour la Nouvelle Calédonie, et de permettre à nos collectivités locales d’adapter et d’expérimenter les normes nationales dans ce domaine, comme le permet désormais la loi organique du 19 avril 2021, relative à la simplification des expérimentations.

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