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Billet de blog 11 févr. 2015

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Grèce : négociations Acte I

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Fort du vote de confiance qui lui a été accordé par le Parlement tard dans la nuit du 10 février, le gouvernement grec entame une séquence courte, dense et périlleuse qui passe successivement par une réunion, aujourd’hui, de l’Eurogroupe (réunion des ministres des finances de la zone euro) , la réunion du Conseil européen demain et, le 16 février, une nouvelle réunion de l’Eurogroupe.

Dans ces discussions, qui mettront à l’épreuve la détermination du gouvernement grec pour réduire sa dette et tenir ses engagements électoraux, émerge également une question politique de taille : la possibilité pour un petit pays de démontrer qu'il existe une autre voie, même pas révolutionnaire, pour faire autre chose que de l'austérité. Cela serait de nature à délégitimer le discours néolibéral ambiant de l’ensemble des gouvernements européens (conservateurs ou sociaux-démocrates) qui offre comme seul horizon possible les restrictions budgétaires et le retrait progressif de tous les acquis sociaux dans le cadre d’une démocratie formelle de basse intensité.

Dans ce contexte le gouvernement grec envoie des signaux parfois contradictoires. Il affirme être déterminé à trouver un accord favorable à toutes les parties. En cela, il peut créer des doutes sur sa détermination à s’opposer à ses créanciers. Surtout, le ministre de l’économie, Yanis Varoufakis, a déclaré à Berlin, le 5 février, que les deux tiers des mesures prévues dans les plans d’austérité appliquées à la Grèce sont acceptables, faisant ainsi référence aux réformes structurelles nécessaires à la lutte contre l’évasion fiscale et la corruption de l’Etat.  Cependant, le premier ministre,  Alexis Tsipras, a affirmé qu’il était désormais tenu par un mandat clairement énoncé par la majorité des électeurs grecs : « la Grèce ne fait pas de chantage mais n’acceptera pas de chantage » a-t-il rétorqué aux pressions exercées par ses créanciers. Yanis Varoufakis a déclaré hier que la rupture fait clairement partie des options de négociations, sinon ces dernières ne seraient pas crédibles.

Que propose la Grèce ?

Le ministre de l’économie grec rencontrera donc aujourd’hui  à Bruxelles ses homologues de la zone euro dans le cadre d’une réunion de l’Eurogroupe. Le gouvernement grec a annoncé sa position :

-          la dette grecque n’est pas soutenable, les politiques d’austérité appliquées  ont lamentablement échoué,  

-          il ne sert à rien de poursuivre dans la voie d’une politique catastrophique qui a abouti à réduire de 25% du PIB, conduit 27% de la population au chômage, tout en augmentant l’endettement du pays,

-          en conséquence, il ne reconnaît pas la troïka (Commission+BCE+FMI) et dénonce le programme d’austérité qui arrive à échéance le 28 février,

-          refus d’en demander la prolongation pour achever les contreparties exigées par les créanciers,

-           refus de demander la dernière tranche de prêts de 7,2 milliards d’euros,

-          gel ou retrait de mesures prévues dans les plans d’austérité (baisse des retraites, annulation des licenciements dans le secteur public, rétablissement du salaire minimum, rétablissement des conventions collectives, arrêt des privatisations.

La demande principale du gouvernement grec consiste en la mise en place d’un accord transitoire, entre le 28 février 2015 (date de la fin du programme financement conditionné aux mesures d’austérité) et le 1er septembre 2015, afin de disposer de suffisamment de temps pour négocier l’allègement de la dette grecque et la mise en place d’un nouveau cadre pour les relations économiques de la Grèce avec ses partenaires européens. Les options avancées par la Grèce pour cet allègement sont la mise en place de nouvelles obligations assorties d’une clause de croissance, d’obligations perpétuelles, d’une réduction des objectifs en matière d’excédents budgétaires primaires et d’un moratoire sur le remboursement de la dette.

Dans le cadre de l’accord intérimaire devant courir jusqu’en septembre 2015, la Grèce a déjà déclaré être prête à s’engager à ne prendre aucune mesure unilatérale vis-à-vis de ses créanciers et à ne pas contester sa dette à l’égard de la BCE (25 milliards) et du FMI (32 milliards), sans se prononcer donc sur sa dette vis-vis du Fonds européen de stabilité financière et des Etats membres (plus de 200 milliards). En résumé, l’objectif de la Grèce est d’obtenir de ses partenaires les moyens de ne pas faire défaut de manière désordonnée et de pouvoir honorer ses dettes pendant qu’elle négociera leur réduction.

Ces propositions peuvent apparaître comme modérées par rapport aux positions initiales de Syriza (annulation unilatérale d'une partie de la dette et des programmes d'austérité). Elles sont suffisamment hétérodoxes pour provoquer la fureur de ses partenaires, peu habitués à entendre dans les enceintes européennes des propositions s'écartant, même légèrement, de l'orthodoxie néo-libérale.

Le totem de l’austérité

La réponse reçue de ses partenaires a été négative jusqu’à présent. Ce refus a été formulé de manière tranchée par l’Allemagne  qui a lancé un ultimatum à la Grèce : sans poursuite du plan d’austérité, plus de financement, même de manière temporaire. Berlin a été suivi sur cette ligne par le président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, ainsi que par les dirigeants des Etats membres ayant appliqué des plans d’austérité similaires, Espagne, Portugal, Irlande.

La France a réservé un accueil bienveillant au gouvernement grec lors des entretiens de la semaine dernière à Paris mais sa position officielle reste négative sur le fond : la Grèce a la droit de renégocier mais elle doit respecter ses obligations.  Si François Hollande peut trouver un intérêt dans le relâchement des politiques d’austérité, il ne semble pas en mesure, ni avoir la volonté, de remettre en cause la logique de ces politiques et de s’opposer à Angela Merkel. L’Italie est sur une position similaire.

Que faut-il donc attendre des négociations en cours ?

Sans doute rien de la réunion d’aujourd’hui, comme l’a déjà annoncé la Commission. L’Eurogroupe de ce soir devrait permettre à l’ensemble des parties d’afficher leurs divergences et de tester en direct les positions en présence.  

De nombreux observateurs accordent peu de crédit à une sortie de la Grèce de la zone euro et tablent sur un compromis, qui pourrait s’édifier sur les bases d’une proposition de la Commission européenne élaborée par Jean-Claude Juncker, ancien président de l’Eurogroupe et un des principaux artisans de l’euro : celle-ci aurait pour objectif de prolonger le programme d’austérité pour 6 mois en reprenant la partie la moins contraignante (ou toxique) des exigences des créanciers. Cela pourrait donc fortement ressembler à une prolongation temporaire technique du plan actuel.  

Le gouvernement grec a déjà annoncé que la forme importait peu, son but étant de ménager un espace pour négocier un allègement réel de sa dette et se défaire des contraintes qui lui ont été imposées depuis cinq ans, tout en demeurant au sein de la zone euro.

Il est très probable que les messages alarmistes sur la gravité de la situation vont s’accroître dès ce soir. Dans un sens, cela serait positif dans la mesure où cela signifierait que le gouvernement grec a décidé de ne pas se soumettre. Les prochains jours permettront de mesurer le degré de sa détermination.

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