Billet de blog 21 décembre 2009

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L'après Copenhague se passe aux Etats-Unis

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Pour Gwynne Dyer, invité de Mediapart, «Barack Obama ne pourra pas avancer tant que les Américains ne commenceront pas à prendre le changement climatique au sérieux».

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« Ce soir, la ville de Copenhague est une scène de crime. Et les hommes et les femmes coupables fuient vers l'aéroport », a métaphorisé, vendredi soir, John Sauven, directeur général de Greenpeace UK. « Il n'y a pas d'objectifs de réduction des émissions de carbone. Pas d'accord sur un traité juridiquement contraignant. »

Parmi les hommes coupables, il y a les présidents américain et brésilien, Obama et « Lula », les premiers à avoir pris l'avion pour rentrer chez eux. Xie Zhenhua, le chef de la délégation chinoise, est resté un peu plus. Il a déclaré : « La conférence s'est achevée sur un résultat positif, tout le monde devrait être satisfait. » Mais beaucoup sont insatisfaits, y compris la plupart des 130 chefs d'État et de gouvernement qui sont venus rejoindre le sommet de Copenhague.

Leur pays ont passé deux semaines à tenter, en vain, de combler le fossé entre les pays riches et les pays pauvres sur la question de savoir qui financerait la résolution - parfaitement possible - du problème du réchauffement. Ils ont au moins le mérite d'avoir eu des objectifs clairs en tête : il fallait un traité permettant de maintenir le réchauffement à un niveau sans risque (mais ils n'ont pas réussi à s'accorder sur ce niveau). La majorité des dirigeants voulait même que l'accord ait force de loi.

Finalement, l'« Accord de Copenhague » est un texte obtenu à l'arraché, en l'espace de quelques heures de discussions entre les États-Unis, la Chine, le Brésil, l'Inde et l'Afrique du Sud. Il ne contient pas de chiffres précis relatifs à la réduction des émissions de gaz polluants, ni d'échéances. Barack Obama a pourtant insisté qu'il s'agit d'un « résultat significatif » puisqu'il a été « convenu de fixer un objectif d'"atténuation" pour maintenir le réchauffement en dessous de 2 degrés Celsius (°C) et, c'est important, de prendre des mesures pour remplir cet objectif. »

On ne peut s'empêcher de s'en moquer. Ces hommes sages et puissants se sont donnés l'objectif de ne pas dépasser une température moyenne mondiale de 2 °C ? C'est exactement le même objectif qui avait été défini au mois de juillet, lors du sommet G8/G20. « C'est important », ils sont également convenus « de prendre des mesures pour remplir cet objectif ». Mais ils n'ont pas déterminé les mesures en question ni la date à laquelle ils prendront une décision là-dessus.

Et pour ça, 192 pays ont dû rester deux semaines à négocier à Copenhague ? Mais à quoi bon, franchement ? C'était une perte totale de temps ! Cela ne surprend pourtant personne. Même moi, je savais qu'il ne pouvait pas en être autrement.

Il y a deux semaines, j'avais écrit : « La conférence de Copenhague sur le climat ne débouchera assurément pas sur le bon traité. Le danger est qu'il emprisonne le monde dans un accord inadéquat, qui ne laisse aucun espace politique pour qu'on puisse y revenir ultérieurement et en faire un accord adapté. L'opinion publique fait d'importants progrès de compréhension dans un domaine aussi complexe que le changement climatique. Et cet accord asymétrique qui, politiquement, ne passe pas aujourd'hui, pourrait être plus facile à défendre dans à peine un ou deux ans. »

Eh bien, Copenhague ne nous a certainement pas enfermés dans un accord inadéquat. Si aucun accord (contraignant) n'a pu être trouvé, c'est parce que l'opinion publique refuse toujours le fait qu'un accord sur le climat devra, en définitive, être asymétrique. Tant que le publique n'aura pas conscience de cela, notamment aux États-Unis, les progrès sur le front climatique seront mineurs.

La plupart des dirigeants occidentaux connaissent l'histoire. Pendant deux siècles, les pays qui sont aujourd'hui dits « développés » se sont enrichis en brûlant des combustibles fossiles. Au passage, ils ont déversé des gaz à effet de serre dans l'atmosphère à tel point qu'aujourd'hui, sa capacité d'absorber le dioxyde de carbone sans générer un réchauffement désastreux est extrêmement limitée.

Cela signifie que les pays en développement rapide comme la Chine, l'Inde et le Brésil, provoqueront un réchauffement incontrôlable s'ils suivent le même parcours historique en matière de croissance économique. Cependant, puisqu'ils sont relativement pauvres, ils investissent essentiellement dans les combustibles fossiles, exactement comme l'Occident au début de son processus d'industrialisation. Il existe maintenant une large palette d'alternatives, mais le coût n'en sera que plus élevé.

Voici comment gérer un contexte historique injuste : les pays développés doivent opérer des réductions radicales et rapides de leurs émissions de gaz à effet de serre ; parallèlement, ils doivent financer suffisamment les pays en voie de développement - qui doivent continuer à développer leur économie - pour couvrir le surcoût engendré par l'utilisation d'énergies propres (en remplacement des combustibles fossiles). Le voilà, l'accord qu'il faut conclure. Seulement la majorité des électeurs aux États-Unis ne le comprennent pas encore.

C'est pourquoi Barack Obama n'a pas pu promettre de réduire, d'ici 2020, les émissions des États-Unis de 20 ou 25 % par rapport aux niveaux de 1990, comme l'ont proposé la plupart des pays industrialisés. Il n'a parlé que d'une réduction dérisoire de 4 % - et encore, sans garantie absolue.

Son problème le plus visible est le Sénat américain, une instance dont le rôle constitutionnel est de retarder le changement. Ces dernières décennies, le Sénat est devenu de plus en plus corrompu en raison du pouvoir de dépenses quasi illimité des groupes d'intérêts. Pour autant, un Sénat non corrompu ne voterait pas non plus une loi draconienne sur le climat. Comme Obama, il ne peut pas se permettre de s'éloigner trop de l'opinion publique.

Barack Obama ne pourra pas avancer tant que les Américains ne commenceront pas à prendre le changement climatique au sérieux. Et, politiquement, les Chinois ne peuvent pas prendre des engagements concrets si les Américains ne le font pas. Il faudra donc attendre que cela se passe aux États-Unis.

Entre aujourd'hui et la fin du siècle, avec chaque année qui passe sans qu'on ne trouve un accord climatique mondial adapté, il y aura probablement quelque 50 millions de décès prématurés. C'est le prix à payer aujourd'hui. Si on repousse encore l'échéance, en 2015, le coût en vies humaines montera en flèche. L'heure tourne...

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Le dernier livre de Gwynne Dyer, Alerte changement climatique : la menace de guerre (Climate Wars) est récemment paru en France aux Éditions Robert Laffont.

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