Billet de blog 9 mars 2023

Théo Roumier
Pour l’autogestion généralisée
Abonné·e de Mediapart

« C’est nous qui travaillons, alors c’est nous qui décidons »

La journée de grève et de manifestation du 7 mars a, à nouveau, été historique. Nous vivons, depuis le 19 janvier, un grand mouvement social. Nous devons remporter cette bataille, nous devons gagner. Décider de ce que nous faisons de ce combat aujourd’hui pour décider de ce que nous voulons comme société demain.

Théo Roumier
Pour l’autogestion généralisée
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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La journée de grève et de manifestation du 7 mars a, à nouveau, été historique. Nous vivons, depuis le 19 janvier, un grand mouvement social. Comme tous ceux qui l’ont précédé, il a son propre visage, ses propres traits.

Mouvement ayant conquis ce qu’on appelle « l’opinion », démarré à l’annonce officielle de l’allongement de l’âge de départ à la retraite à 64 ans, il repose pour l’heure sur des manifestations gigantesques et galvanisantes, battant le pavé jusque dans les plus petites villes des départements. Sur une unité syndicale inédite et solide, l’un allant avec l’autre.

Mais avec ce 7 mars, il est appelé à aller au-delà des rendez-vous réguliers autant que ponctuels que sont les manifestations. La reconduction de la grève s’est invitée. Encore timide et loin de la généralisation, elle n’en est pas moins bel et bien là.

Disons-le nettement : la grève, reconduite, est un élément déterminant pour entraîner la victoire de notre camp social. Disons-le aussi : elle porte en elle une dimension proprement politique qui s’exprime par le pouvoir qu’en tirent celles et ceux qui la font.

« Salaire, emploi, retraite : c’est nous qui travaillons, alors c’est nous qui décidons ».

Le slogan est repris depuis plusieurs manifs au camion-sono de SUD éducation dans les cortèges parisiens (et peut-être bien ailleurs, sans doute même). Il est fort ce slogan, il signifie tout ce qu’il est en train de se passer, et qui n’attend qu’affirmation et confirmation dans les jours à venir.

Oui, en reconduisant la grève, nous décidons. Et c’est bien parce que le travail que nous faisons, manuel comme intellectuel, produisant des biens ou des services, dépend de notre activité salariée quotidienne. C’est notre pouvoir.

« Mettre le pays à l’arrêt » disait l’intersyndicale nationale à la veille du 7 mars. Nous avons connu un ralentissement, l’objectif reste entier. Il est devant nous.

Le gouvernement a beau dire que ce n’est pas la rue qui décide mais le parlement. Il peut dire. Nous faisons et nous ferons collectivement bien ce que nous voudrons. Le temps de la grève destitue celui du gouvernement. Nous sommes des millions quand les membres du gouvernement se comptent en dizaines, à la légitimité fragile. Le Sénat peut voter, la commission mixte paritaire se réunir, le gouvernement se saisir d’un article de constitution : son temps à lui n’est déjà plus le nôtre. Nous pouvons le déborder.

Parce que le temps du capital qu’il impose à nos vies nous n’en voulons plus : c’est pour ça qu’un nouveau recul de l’âge de départ à la retraite est insupportable. Et c’est aussi pour ça que les 60 ans (maximum) sont sur toutes les pancartes : parce que nous voulons vivre et travailler autrement.

Décider, c’est décider entièrement

Tout va reposer sur notre capacité à prendre en main la conduite de la grève dans les jours à venir. Décider, c’est décider entièrement. Toutes les formes d’auto-organisation sont bonnes à prendre dès lors qu’elles reposent sur des collectifs cherchant à s’élargir, à éviter l’entre-soi militant, et à ancrer la mobilisation au plus près des lieux de travail. Par et pour la grève, toujours.

Alors oui, il va y avoir aussi des « temps forts », comme la manifestation du samedi 11 mars et la journée de grève nationale de la semaine prochaine, le mercredi 15 mars : utilisons-les pleinement. Tout désormais doit être pris comme un atout pour rebondir encore et encore, gagner d’autres salarié·es à la grève.

C’est bien quand les transports urbains dans les villes ne rouleront plus, que les poubelles ne seront plus ramassées, que les chaînes des usines seront à l’arrêt, que les écoles resteront portes closes, que la jeunesse scolarisée, lycéenne et étudiante prendra part au combat… et que tout ce monde parlera ensemble, se retrouvera ensemble, qu’ils auront peur, que les patrons de provinces, les préfets et les sous-préfets, ce qui fait « l’armature » du pouvoir aujourd’hui aura peur.

L’intersyndicale nationale est la plus unie que nous ayons eu depuis très longtemps : oui c’est une bonne nouvelle car c’est un élément de confiance. Elle n’appelle pas à la grève générale ? Elle ne s’y oppose pas non plus, elle soutient même celles et ceux qui se battent. L’équilibre en son sein tient à la différence des organisations – et s’il y a plusieurs syndicats c’est qu’il y a une raison. Cette réalité là, nous devons et nous pouvons l’utiliser comme elle est.

Ne perdons pas de vue que nous devons remporter cette bataille, nous devons gagner. Décider de ce que nous faisons de ce combat aujourd’hui pour décider de ce que nous voulons comme société demain. Et ce n’est pas qu’une formule toute faite.

Mettre en crise le gouvernement des riches par en bas, par la grève et la rue, le faire tomber peut-être : c’est à la fois ce que l’intervention directe des classes populaires est capable de faire et à la fois ce qui renforcera la capacité politique des mêmes classes populaires. Et c’est certainement ce qu’il y a de plus enthousiasmant à saisir et à construire dans le moment présent.

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Manifestation du 7 mars 2023, Paris © Photothèque Rouge /Martin Noda / Hans Lucas

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