
L'usine qui fabrique différentes pièces de voitures, type bras de suspension pour de grandes marques automobiles et pour l'armée est en proie à de graves difficultés financières. Elle a été placée en redressement judiciaire, mais il n'y a pas que ça. Les conditions de travail et de sécurité sont telles que le personnel a décidé de les dénoncer en refusant dorénavant de s'exposer aux risques inhérents à l'insalubrité des locaux, à la pollution des sols et au mauvais état des machines outils qui servent à confectionner les pièces usinées.
Ceux qui sont le plus concernés ont fait valoir leur droit de retrait en raison du « danger grave et imminent » tel que défini par le code du travail. Dans la foulée, l'inspection du Travail a été informée et s'est depuis rendue sur les lieux. En outre, plusieurs d'entre eux ont installé un point de présence permanent devant l'usine. Ils sont quelques-uns à se relayer devant l'usine, bravant les intempéries afin d'alerter l'opinion publique et forcer les autorités à réagir.



Le droit de retrait repose sur le fait que les machines ne seraient plus aux normes, et certains dispositifs de sécurité hors service, mais aussi que des produits chimiques stagnent à même le sol comme le révèlent les photos que les salariés nous ont fait parvenir. Des fuites d'eau ont aussi été constatées, y compris à proximité de l'armoire électrique, ce qui pourrait provoquer de graves cours-circuits avec les conséquence que chacun imagine.





Le témoignage de certains salariés est accablant.Gérard (nom d’emprunt) avec qui nous avons pu échanger par téléphone est très amer. Il répond à nos questions :
Regardactu : Vous avez alerté l'inspection du Travail en évoquant de graves lacunes en termes de sécurité, de pollution des sols et de conditions de travail au sein de votre entreprise. Compte tenue de la situation financière de Cast'Al, actuellement en redressement judiciaire, ne craignez-vous pas que ses dirigeants se servent de ce prétexte pour déposer le bilan et vous mettre tous au chômage ?
Gérard : Franchement, ce n'est même plus le problème. Quand j'ai débuté il y a quelques années dans la boite, j'étais prêt à tout supporter. L'urgence, c'était de pouvoir garder mon travail pour payer les factures. Depuis, mes priorités ont changé. C'est la santé et la sécurité d'abord. Et là c'est plus possible de continuer ainsi. Alors on verra bien les conséquences, mais on a décidé d'agir pour que les choses bougent au sein de l'entreprise.
Regardactu : Vous avez fait valoir votre droit de retrait, pourquoi ?
Gérard : pour plein de raisons. Les machines qui ne sont plus aux normes et des sécurités qui ne fonctionnent plus, la pollution des sols, l'absence d'aspiration et d'aération pour évacuer les fuites de dioxine de souffre (SO2), les problèmes de fuites du toit. Et puis, même si cela ne rentre pas dans le droit de retrait, le non paiement des salaires a été aussi un puissant motif pour nous mobiliser.
Regardactu : L'inspection du Travail est venu constater tout ça récemment ?
Gérard : Oui, d'ailleurs, l'inspectrice du travail a refusé de pénétrer dans un des ateliers, jugeant que c'était trop dangereux. Nous non plus, nous ne voulons plus risquer nos vies. C'est pourquoi nous avons fait jouer notre droit de retrait.
Regardactu : Et l'employeur, a t-il fait quelque chose depuis ?
Gérard : Il a fait faire quelques petits travaux pour colmater les fuites, mais c'est largement insuffisant pour garantir notre sécurité. Il faut vraiment agir pour que les choses changent en profondeur.
Le 29 janvier quelques actionnaires sont venus visiter l'usine. Les salariés ont investis les lieux pour leur demander des comptes. Ceux-ci ont alors accepté l'idée de remettre un peu d'argent pour voir ce que cela donnerait. Pas sûr que cela suffise pour maintenir l'usine à flot. Toujours est-il que le personnel reste mobilisé.
La CGT soutient les salariés. D'abord juridiquement, mais aussi matériellement, sous forme de paniers repas pour ceux qui sont le plus en difficulté. Une aide essentielle qui leur permet de garder le moral et de tenir le coup en attendant que la situation se débloque. D'après une source proche du dossier, le droit de retrait aurait été jugé licite par l'inspection du Travail. On peut donc s'attendre à ce que des mesures contraignantes soient imposées à l'employeur.
En attendant, les salariés maintiennent la pression. Certains d'entre eux tiennent toujours le point de présence devant l'usine. Celles et ceux qui souhaitent leur rendre visite pour les soutenir sont les bienvenus.
Philippe Soulié, pour Regardactu.
Nota : Un grand merci à tous ceux qui ont participé à l'élaboration de cet article, sans qui ce travail d'investigation n'aurait pas été possible. C'est grâce à la somme des témoignages et de la mutualisation des informations que cela a té possible. Cette manière de faire est la signature d'un travail collectif qui est à l'image de ce que nous souhaitons mettre en œuvre pour une information citoyenne engagée partagée.