« Gainsbourg - (vie héroïque) »

Il ne peut être chose aisée que de raconter la vie d’une figure immanente de notre (contre-) culture française, tel que le fut feu Serge Gainsbourg. Le fardeau est étrangement porté par un grand nom de la Bande-dessinée, l’auteur de la magnifique série « Le chat du Rabbin » ou encore travaillant avec les pas moins grands Lewis Trondheim et Manu Larcenet dans la série « Donjon », j’eu nommé Joann Sfar.
Délaissant la plume au profit de la caméra, Sfar ne succomba pourtant pas à la tentation fréquente dans ce genre d’exercice de renier son univers propre, celui du conte fantastique, et tellement poétique. Comment jouer avec l’irréel à travers un personnage tout ce qu’il y’a de plus réel ? Jongler entre Ginsburg, Gainsbourg et Gainsbarre, voila une tâche délicate…
Outre les performances impressionnantes d’une Laetitia Casta en Brigitte Bardot, d’une Anna Mouglalis dans le rôle de Juliette Gréco et surtout du presque inconnu Eric Elmosnino qui signe une prestation remarquable, en s’appropriant le bien difficile rôle principal, sans frôler une seule seconde le pâle simulacre; Outre les multiples clins d’œil amusants avec les participations de Philippe Katerine jouant un Boris Vian justement déjanté, de son comparse Ryad Sattouf interprétant la muse de Fréhel, de Sfar lui-même endossant le rôle de Brassens ou d’une France Gall qui ne plaira surement pas à son fan-club (Sara Forestier), ce qui impressionne surtout ici est l’intelligence du réalisateur, la « force tranquille » (pour voler l’image à une autre grande figure de ces années là ) de Sfar peignant avec la plus grande finesse ce qui n’apparaît a priori n’être qu’un amas confus, qu’un désordre sublime, significatif soit dit en passant des génies par définition déjantés. Mettre de l’ordre dans la vie de Gainsbourg afin d’éviter un scénario décousu fut, semble t-il, une des clés du film.
Pourtant Sfar joue encore de son sens du fantastique, sans dériver pour autant dans la facilité de la fiction. La « gueule », représentation bienvenue d’un Gainsbarre omniprésent et inséparable dans la vie de Gainsbourg, ne tombe pas dans l’absurde qu’aurait pu apporter ce grand Gainsbourg en papier-mâché aux traits physiques exacerbés, mais permet au contraire de mieux cerner le personnage. Il en est de même pour les représentations cartoonesques du juif ou de la tête de choux…
Evitant talentueusement la diabolisation ou l’apologie d’un personnage plus que controversé, Sfar le dépeint avec beaucoup d’affection, qu’il nous transmet admirablement, à travers un univers ne s’affranchissant pas totalement du conte dessiné, à notre plus grand plaisir.