Billet de blog 27 février 2010

adrien.bourguignon

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« Shutter Island »

« Shutter Island »  On reconnaît souvent les plus grands réalisateurs par leur capacité à nous surprendre. Scorsese vient de redorer sa place dans la cour des grands.

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« Shutter Island »

On reconnaît souvent les plus grands réalisateurs par leur capacité à nous surprendre. Scorsese vient de redorer sa place dans la cour des grands. Je ne m’attendais pas à voir plus qu’un « Aviator », « Les infiltrés », « Gang of New-York » ou « Casino » en demandant fébrilement au guichet une place pour « Shutter Island ». Le scénario semblait en lui-même une rupture avec la bonhomie mafieuse de ses précédents long-métrages, mais seul le contexte me paraissait a priori apporter une touche nouvelle. Fini les ambiances jaunâtres d’une Amérique crapuleuse, nous irions dans la baie de Boston y trouver un peu de fraîcheur. Je croyais même la capacité de créateur d’ambiances oppressantes être une exclusivité Lynchéenne…

Le scénario concorde même étrangement avec ce renversement de situation, en passant du mielleux efficace à une fraîche angoisse réfléchie dans la carrière de Scorsese, tout en passant du polar morbide plutôt léger à une concordance de pensées inattendue entre nous-mêmes spectateurs et Léonardo Dicaprio dans le film. Outre le talent de réalisation, en nous étalant des images toutes plus belles les unes que les autres, en créant un monde fictif qui trouve toute sa beauté dans sa laideur effective, talent qui ne lui a jamais été réellement étranger ( la beauté de « Gang of New York » repose entièrement sur la saleté de l’univers qu’il dépeint ), Martin Scorsese nous offre quelque chose de plus inattendu et surtout bien plus rare: un sentiment de partage des mêmes syndromes pathologiques qu’un interné psychiatrique. Les mots peuvent sembler excessifs mais, bien qu’ayant droits aux clichés grand-publics usuels sur le monde psychiatrique, et notamment du mystique, mais tellement philosophe, interné terré au fond de sa cellule renversant tous les idéaux d’un Dicaprio a priori bien sûr de lui, Scorsese nous fait douter et nous pousse à croire que nous pourrions nous-même jouer ce rôle le plus naturellement du monde. C’est justement cette finesse de touche qui nous sépare d’un « Fight club » dérivant maladroitement vers le monde de la fiction: les clichés les plus poussés et le contexte fictif de l’histoire ne s’érigent pas en barrière à un sentiment de connivence étonnant avec le rôle de Teddy Daniels.
Nous sortons du cinéma avec les mêmes doutes…

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